Comment cuisiner plus bio, plus local et plus végétal sans faire déborder le coût d’un repas « classique » et le temps de travail ? Les chefs et seconds de cuisine des collèges de la Nièvre relèvent le défi grâce à une formation initiée par le Conseil départemental, qui s’est fixé l’objectif ambitieux d’un approvisionnement 100 % local dans tous les collèges d’ici cinq ans.
Mayonnaise végétale et bâtonnets de légumes, salade de pommes de terre aux algues, parmentier alternatif, gâteau de fromage aux pommes, smoothie de saison… Une quinzaine de chefs et seconds de collèges nivernais (1) ont élargi leur horizon pendant deux jours de formation à l’alimentation durable organisés au début des vacances scolaires dans les cuisines du collège Henri-Wallon de Varennes-Vauzelles.
Animée par Bio Bourgogne et le collectif national Les Pieds dans le plat, la formation a abordé les évolutions des pratiques en restauration scolaire (introduction de produits de qualité, bio, produits bruts, protéines végétales) préconisées par la loi Egalim (2), qui vise entre autres à sensibiliser les restaurants collectifs à des pratiques plus durables.
« On prépare déjà un repas végétarien par semaine, mais les élèves ont du mal à ne manger que des légumes », explique Agnel Fouet, chef de cuisine du collège vauzellien. « On fait un peu de bio, on essaie aussi de faire du local, c’est une question de prix ; notre budget, c’est 1,70 € par repas, alors il faut jongler. Si on ne veut faire que du local et du bio, il faudra plus de moyens. »
Diététicienne nutritionniste et comportementaliste, référente régionale des Pieds dans le plat, Gabrielle Invernizzi a travaillé en binôme avec le cuisinier du collectif, Pascal Veaulin, naviguant entre théorie et pratique, éminçant au passage les idées reçues : « Il y a toujours un peu de résistance au début de ces sessions de formation, les cuisiniers peuvent être parfois très réactifs, puis ils adhèrent, la créativité et la curiosité l’emportent. Ils savent aussi qu’ils n’ont pas le choix. La loi Egalim encourage à diversifier les sources de protéines, à équilibrer les protéines animales et végétales. »
Chaque recette est détaillée dans ses moindres ingrédients, avec le prix correspondant, au centime près : « Des collèges sont passés au 100 % bio en Dordogne, et le coût des repas n’a pas bougé », assure Gabrielle Invernizzi. « Il est possible d’optimiser la maîtrise du budget grâce aux protéines végétales, qui sont moins coûteuses que les protéines animales. En développant leur usage, les cuisiniers pourront acheter davantage de viande locale. » La formation a également mis le doigt sur la dimension nutritionnelle : « Les apports en protéines sont trois fois supérieurs aux besoins. Alors on rééquilibre. »
Le Conseil départemental a sollicité le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) de Bourgogne-Franche-Comté pour mettre en place ces journées de formations. Celles-ci constituent la première étape d’un accompagnement des collèges organisé dans le cadre du Projet alimentaire territorial (PAT) de la Nièvre et de l’appel à projets « Investissement dans le cadre de Projets alimentaires territoriaux Bourgogne-Franche-Comté » du Plan de relance, pour lequel le Département a été retenu en 2021.
Retenue par le CNFPT pour orchestrer ces formations, Bio Bourgogne, association de promotion et de développement de l’agriculture biologique, s’attache à la mise en relation des producteurs avec les professionnels de la restauration collective via la plateforme Manger Bio Bourgogne-Franche-Comté, créée pour structurer l’offre : « Nous formons les producteurs à la vente à la restauration collective », expliquent Julianne Aubertot, chargée de mission Filières et Territoires, et Valentine Le Fellic, chargée de mission Restauration collective. « Mais la plateforme n’est pas encore développée dans la Nièvre », où 10 % des exploitations pratiquent l’agriculture biologique.
Vice-président du Conseil départemental en charge des collèges et de l’éducation, de la culture, de la jeunesse et de l’enseignement supérieur, Wilifrid Séjeau a rencontré les cuisiniers et les intervenants, avant de partager avec eux le repas préparé le matin même. La formation à l’alimentation durable s’inscrit dans une démarche de valorisation de l’agriculture nivernaise, incarnée par le Projet alimentaire territorial mais aussi par l’objectif, assigné par le nouvel exécutif départemental, d’un 100% local dans tous les collèges nivernais d’ici cinq ans.
Pour réaliser une telle ambition, le Département s’engage aux côtés de la filière agricole : « Nous avons plusieurs projets de développement du maraîchage sur Challuy, Magny-Cours, Nevers, Saint-Eloi », précise Wilfrid Séjeau. « Et le Conseil départemental a lancé une étude pour la création d’une légumerie-conserverie pour stocker les productions hors saison. »
Côté cuisine, deux autres sessions de formation à l’alimentation durable sont prévues en avril à Château-Chinon et en juillet à Cosne-sur-Loire. Au total, une quarantaine de cuisiniers et seconds de cuisine bénéficieront de cette formation. Ces temps d’échange et de partage autour des pratiques illustrent également la démarche collective impulsée par le Département en 2017 à travers le Réseau des cuisiniers.
- Varennes-Vauzelles, Fourchambault, Nevers (Courlis et Adam-Billaut), Imphy, Dornes et Saint-Pierre-le-Moûtier.
- Loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.