Dans son bilan nommé L’Eté de tous les extrêmes, Météo France confirme le caractère exceptionnel de l’été 2022 qui pourrait très rapidement devenir la norme. La Nièvre a malheureusement subi, elle aussi, ces phénomènes. En voici le rappel.
La réalité rattrape parfois la fiction… Souvenez-vous du journal météo fictif d’Évelyne Dhéliat en 2014, qui anticipait un bulletin météo de 2050 afin d’alerter sur l’urgence à agir face au réchauffement climatique. Elle présentait une carte du pays avec des températures qui pouvaient sembler invraisemblables, et finalement pas si éloignées de celles relevées au cours de cet été 2022.
Sans vouloir être alarmiste, ou pessimiste, ce Mardi du climat a pour objectif de tirer un bilan concret et de vous informer sur la situation réelle présente dans le département. Nous avons répertorié les phénomènes climatiques inhabituels de cet été 2022, révélateurs des conséquences du dérèglement climatique.
Chaleur étouffante, hausse anormale des températures : nous avons tous été témoins des pics de chaleur en juin, juillet et août 2022, au cours desquels le seuil de canicule dans la Nièvre a été atteint.
Dès le 16 juin 2022, 12 départements ont été placés en alerte rouge canicule, une première !
En effet, durant ces périodes, les températures étaient bien au-dessus de la norme et les températures moyennes 2022 ont été largement supérieures aux normales saisonnières. Ce fut le cas à Nevers avec une température moyenne de 27,7°en juillet et 28,6° C en août.
Des températures extrêmes ont été relevées le 31 juillet : 39,4° C à Nevers, 39,7°C à Clamecy, 39,7° C à Prémery et 38,4° C à Lormes.
A l’accablement de la chaleur s’est ajoutée l’angoisse du manque d’eau. La Nièvre a effectivement subi un déficit pluviométrique sévère. Alors qu’habituellement il tombe environ 62 mm en juillet à Nevers, la ville n’a vu pleuvoir que 21 mm, dont 17 sur la seule journée du 31. Et ce fut à peine mieux en août avec 28,2 mm, loin des 61 mm attendus en moyenne.
Selon Stéphane Nedeljkovitch, météorologue à Météonews, « ces excès de sécheresse, avec des épisodes pluvieux de plus en plus rares qui, par contre, sont très violents quand ils arrivent avec des pluies torrentielles », sont des effets directs du réchauffement climatique.
Révélateurs des impacts de la sécheresse, de multiples arrêtés préfectoraux ont été pris depuis début mai 2022. Le préfet de la Nièvre appelait déjà les usagers à une gestion parcimonieuse de la ressource en eau, qu’elle provienne d’un point de prélèvement privé ou d’un réseau public de distribution. Depuis la publication de l’arrêté préfectoral du 19 juillet dernier, les conditions météorologiques chaudes et sèches ont malheureusement provoqué la poursuite de la dégradation de la situation hydrologique et les cours d’eaux qui franchissent les seuils successifs de déclenchement de mesures de restriction.
La sécheresse a été telle que la Nièvre a compté jusqu’à 197 localités en état de crise (le niveau maximal), et 112 en état d’alerte renforcée, selon l’arrêté préfectoral du jeudi 18 août : « Le débit des cours d’eau ne cesse de se réduire […]. Les pluies de ces dernières heures ne suffisent pas à inverser la tendance et un nouvel épisode sec et chaud est attendu la semaine prochaine », prévenait la préfecture, indiquant que les nouvelles dispositions étaient prises « dans le but de préserver autant que possible la ressource en eau pouvant être affectée aux usages prioritaires.” Du jamais vu dans l’histoire du département, cet arrêté interdisait aussi la navigation sur le canal latéral à la Loire. Ce n’est que par un arrêté du 1er septembre, qui ne change pas les niveaux de restriction, que l’interdiction de naviguer a été levée.
Si l’impact est important dans sa globalité, il a été primordial pour l’agriculture nivernaise. Comme le précise Didier Ramet, président de la Chambre d’agriculture de la Nièvre : « Cette sécheresse est pire qu’en 2019 car elle se caractérise par deux épisodes : pas de pluie de la mi-mars à la fin avril puis un été sans précipitation et avec la chaleur. Il nous faudrait une grosse quantité d’eau de 100 à 150 litres au mètre carré dans les prairies d’ici au 15-20 septembre pour qu’il y ait un effet sur la végétation. » Les conséquences sur l’alimentation des animaux se sont vite fait ressentir puisque dès août, faute d’herbe dans les champs, les éleveurs ont été contraints de piocher dans les stocks de fourrage de l’hiver.
Cette année, la météo inflige une double peine aux agriculteurs. Non seulement, ils sont obligés de se servir dans leurs réserves de paille et de foin constituées après les moissons de juillet, mais les récoltes se sont énormément amoindries. Ces récoltes se sont achevées sur des rendements parfois jugés « catastrophiques ».
Les événements climatiques témoignent aussi des conséquences du réchauffement climatique et malheureusement la Nièvre n’a pas été épargnée !
Un violent orage, accompagné de grêlons gros comme des balles de tennis ou des boules de pétanque, a causé des dégâts considérables, dans la soirée du 21 juin, à Alligny-en-Morvan, Chaulgnes et Saint-Aubin-les-Forges. Des Bertranges au Morvan, des centaines de maisons ont été touchées, des voitures ont été endommagées, et des animaux blessés, etc.
De courtes mais violentes intempéries ont aussi frappé Imphy, Chevenon et Magny-Cours, le 5 septembre, en fin de journée. L’association de la grêle et du vent ont causé beaucoup de dégâts : toitures endommagées, rues, caves et sous-sols inondés, arbres couchés, branches arrachées.
La récurrence de ce genre d’épisodes et la multiplication des vagues de chaleur ont également favorisé le déclenchement d’incendies dans la Nièvre. Un incendie de végétation s’est déclaré dans le Morvan à Millay, au lieu-dit Le Bois de Velle, le 11 août. Près de trente sapeurs-pompiers venant de tout le Département ont bénéficié du renfort de leurs homologues de la Saône-et-Loire. Le 13 août, un incendie avait déjà détruit vingt hectares de sapinière sur une zone de plusieurs centaines d’hectares, en milieu d’après-midi, entre les communes de Roussillon-en-Morvan et Saint-Prix (Saône-et-Loire), à proximité de la route départementale 179, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec la Nièvre. Un important feu de forêt s’est déclaré dans l’après-midi dans le bois du Prémoux, le 3 août à Empury ; 4 hectares ont été ravagés par les flammes.
Perturbation des écosystèmes, disparition d’espèces ou au contraire prolifération d’autres… Le réchauffement climatique perturbe et menace le monde du vivant et impacte la biodiversité.
Chaque printemps, la montée des eaux de la Loire est redoutée par les ornithologues, car elle est fatale aux oiseaux nicheurs.
Dans la Nièvre, cela s’est traduit par l’inondation de l’îlot de vie de poussins sternes, qui, pour être sauvés ont dû être déposés dans un autre lieu de vie. Cette action a été menée par les bénévoles de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) de Bourgogne-Franche-Comté, à La Celle-sur-Loire, après la montée des eaux, en juin dernier.
Au total, ce sont 198 poussins, nés sur les îlots de la Loire, qui ont été mis en sécurité par l’antenne Nièvre de la LPO BFC et les Conservatoires des espaces naturels Bourgogne et Centre Val de Loire.
Vingt-neuf sternes et cinq petits gravelots recueillis au pont de Loire, à Nevers ont été conduits à l’hôpital de la faune sauvage de La Guerche-sur-l’Aubois pendant que les sauveteurs ont passé trois heures dans l’eau à repêcher des poussins déjà emportés par les flots et à en ramasser d’autres, empêtrés dans la végétation.
De surcroît, très peu d’oiseaux ont été en mesure d’effectuer une ponte de remplacement à cause des phénomènes météorologiques. Le 28 juin dernier à Nevers et Fourchambault, les lieux de nidification des sternes étaient entièrement sous l’eau. L’association Nature Nièvre n’a pu que déplorer la crue tardive, indiquée par le site Vigicrues. Cette montée des eaux ligériennes, due aux fortes pluies et aux orages, a empêché les sternes de faire une « ponte de remplacement ». L’association a « limité les dégâts » pour préserver ces espèces qui sont tributaires de la météo.
Même si le bilan est un peu noir, il convient de rester optimiste : le point de non-retour n’est pas encore atteint. Le changement climatique est bien une réalité mais « il nous reste tout de même une fenêtre d’action, pour changer nos habitudes. Rien n’est donc perdu, mais il faut agir dès maintenant », indique Gonéri Le Cozannet, un des chercheurs du GIEC. Nul doute que les Nivernais sont déjà mobilisés pour agir !
Le Conseil départemental s’engage pour adapter le territoire aux conséquences du changement climatique. La stratégie départementale d’adaptation au changement climatique, disponible ici, en est l’une des illustrations.