Avec ses solides piliers, son carrelage et ses murs en pierre de taille, le rez-de-chaussée de la mairie de Saint-Saulge a des airs de marché couvert. Une prédestination devenue réalité le 26 juillet, jour de l’ouverture de la Halle des paysans, qui réunit le « savoir-fermier » de neuf producteurs nivernais associés et d’une trentaine de collègues partenaires. Conjuguant qualité, variété et authenticité, la halle comble un vide dans le territoire et tisse de solides liens sociaux.
À trois heures à peine de France-Uruguay, au-rez-de-chaussée de la mairie de Saint-Saulge, le « pack » de la Halle des paysans met les petits fours dans les grands plats et aligne les rangées de verres sur les nappes blanches. Les derniers préparatifs de l’inauguration (1) se déploient dans la bonne humeur, avec la fierté du travail bien mené. Pas de place pour le stress : Amélie Vincent et ses collègues producteurs l’ont laissé loin derrière eux, dans la genèse express d’un magasin de produits fermiers passé de l’idée à l’ouverture en moins de trois mois.
« C’est une initiative de la commune, qui a contacté plusieurs producteurs, en avril », explique la jeune agricultrice de la Ferme du Pressoir à Ourouër, promue présidente de l’association. « On est venu, on a découvert cette jolie halle, et ce projet de magasin de produits fermiers. Il n’y avait pas d’offre dans la région ; si on voulait en trouver, il fallait aller à Nevers ou à Moulins-Engilbert. »
Entré au conseil municipal début 2023, l’agriculteur retraité Philippe Mignon est le moteur de la halle : « Cela me semblait inconcevable de devoir faire des dizaines de kilomètres pour trouver des produits locaux. Le maire et le conseil municipal m’ont fait confiance pour mener à bien ce projet. » Vacante, la vaste salle nichée dans le flanc de la mairie est l’endroit idéal pour faire naître la boutique. La suite s’écrit au pas de charge, joyeusement résumée dans son discours par Amélie Vincent : « Qui aurait cru que neuf producteurs pourraient ouvrir ce magasin en deux mois à peine ? Le défi n’en était que plus intéressant. »
Avec le soutien de la municipalité, de la Chambre d’agriculture et de Mélie Guillard, manager de commerce de Saint-Saulge et Saint-Benin-d’Azy (labellisées Petites Villes de demain), les producteurs locaux lèvent les doutes, soulèvent les montagnes, dénichent les palettes, les présentoirs et les vitrines réfrigérées en un temps record. « On a aménagé la halle en deux jours, dans l’urgence. Les dernières nuits avant l’ouverture ont été courtes », sourit Amélie Vincent. « Et ce 26 juillet, on a eu la belle surprise de voir les clients au rendez-vous, la halle pleine, la queue à la caisse. »
Retours positifs
Un mois et demi après l’ouverture, s’il est trop tôt pour dresser un bilan, les retours sont positifs, et la Halle des paysans répond à une attente de certains consommateurs, selon la présidente : « On est sur une niche de clients qui veulent savoir d’où viennent les produits qu’ils achètent, mais qui veulent aussi savoir l’histoire de nos fermes. On travaille avec une trentaine de producteurs partenaires, qui pour certains ne sont pas dans la Nièvre, mais on les connaît tous, et on est les garants de leur histoire. »
Tenue par les producteurs eux-mêmes, qui se relaient toute la semaine, la Halle des paysans réveille l’esprit social des épiceries villageoises de naguère : « On a aussi bien de jeunes actifs qui ont un peu de pouvoir d’achat que des petites mamies qui vont venir tous les jours pour nous acheter deux ou trois pommes, et qui viennent surtout pour parler, pour le lien social. »
La chaleur inestimable de ce lien non marchand, c’est aussi ce qui anime les membres de l’association, comme l’explique William Gay, apiculteur à Saint-Léger-de-Fougeret (Le Rucher de l’école) : « Un magasin de producteurs, ça permet de ne pas être tout seul dans son coin. Il ne faut pas oublier que le milieu agricole est celui qui compte le plus fort taux de suicides. Prendre des décisions à longueur de journée, à force, ça pèse. Alors, quand on voit des collègues de différents secteurs, on peut verbaliser les choses, et ça fait du bien, on se sent un peu compris. »
Le quinquagénaire, qui a pris la suite de ses parents, apprécie également le travail d’équipe avec la jeune génération : « C’est une autre façon de voir les choses, ça apporte de la fraîcheur, ça incite à se remettre en question. Nous, les anciens, on apporte notre expérience, le recul, la zénitude. » Présent dans deux autres magasins de producteurs à Varennes-Vauzelles et en région parisienne, William Gay ne le fait pas par souci du gain : « C’est 5 à 7 % de mon chiffre d’affaires. Mais les petits ruisseaux font les grandes rivières. » Et le « ruisseau » de la Halle aux paysans chantonne un début d’histoire qui lui plaît et semble parti pour durer.
Pour en savoir plus ► la page Facebook de la Halle des paysans
1. En présence du maire Christian Marie, de Jean-Luc Gauthier, président de la communauté de communes Amognes Coeur du Nivernais et conseiller départemental du canton, de Thierry Guyot, conseiller départemental délégué à l’agriculture et à l’alimentation de proximité, et de Didier Ramet, président de la Chambre d’agriculture.