Sur papier et, de plus en plus, sur écran, l’écriture, la lecture et le calcul sont des souffrances pour des millions de Français. Dans notre département, elles touchent des milliers de Nivernais dont le quotidien, l’accès aux droits ou à l’emploi sont rendus plus difficiles.
Le Conseil départemental a ainsi décidé de s’engager, au nom d’une égalité des chances et des devenirs qui doit être garantie. Clef de voûte de ce combat au long cours, le plan d’actions « Être en toutes lettres » a été présenté il y a bientôt un an. Il a connu une nouvelle avancée, lundi 9 septembre, à Fourchambault, lors d’une rencontre-débat conclue par la signature d’une convention avec la Fédération des œuvres laïques de la Nièvre (FOL 58).
Il est des mots qui font mal sans le vouloir, qui définissent et stigmatisent. Illettrisme en est un, comme le soulignent la plupart des intervenants de la rencontre Être en toutes lettres, organisée lundi 9 septembre à la Maison du peuple de Fourchambault, dans le cadre des Journées nationales d’action contre… l’illettrisme. « Illettré, c’est une des insultes employées par le capitaine Haddock », rappelle Jean-Christophe Iriarte Arriola, membre de l’association Cardan (Amiens), venu témoigner de son expérience d’accompagnement des « fâchés avec la lecture ».
« Il faudrait trouver d’autres mots qu’illettrisme ou illettré », suggère Fabien Bazin, président du Conseil départemental, à l’origine de cet engagement de la collectivité qui ne relève pas de ses compétences mais qu’elle ne peut ignorer, tant elle est plantée en plein cœur du champ de l’accompagnement social : « Près de 10 000 Nivernais sont en délicatesse avec l’écriture ou la lecture. C’est un sujet majeur qui touche à l’intime et à la dignité. »
Collectivités, services de l’État, associations, monde de l’entreprise : la lutte contre l’illettrisme est un travail d’équipe dans lequel le Conseil départemental joue son rôle d’entraîneur, au sens littéral du terme. Le délégué départemental Gaëtan Gorce a brièvement rappelé les premières avancées d’une démarche officiellement lancée en octobre 2023 : « Cela prend un peu de temps pour lancer un tel dispositif, mais nous avons réuni des financements pour trois ans, à hauteur de 160 000 €, qui permettent de recruter deux équivalents temps plein au lieu d’un demi précédemment. Et, désormais, la plateforme de lutte et les réseaux sont reconstitués. »
Chargé de mission au sein de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, Cyril George a livré quelques éléments de cadrage sur une triple difficulté (lire, écrire, compter) complétée et amplifiée par le numérique : « On estime que 10,5 % de la population en activité est impactée. »
Le pourcentage d’allocataires du RSA touchés (« un foyer sur quatre ») indique aussi, sans surprise, que « l’illettrisme est un symptôme de pauvreté », comme le rappelle Jean-Christophe Iriarte Arriola, citant le fondateur d’ATD Quart Monde, Joseph Wresinski. Si le diagnostic et les contours sont connus, le Conseil départemental et ses partenaires doivent désormais s’attaquer au principal défi : convaincre les personnes concernées de solliciter de l’aide, et donc surmonter les non-dits qui encombrent le quotidien, le rapport aux proches, aux voisins, aux collègues, et passer des stratégies d’évitement à l’acceptation de l’aide.
Récemment recruté par le Conseil départemental, le coordonnateur départemental qui prendra ses fonctions dans quelques jours aura pour mission de mobiliser tous les partenaires, institutionnels et associatifs, comme l’AFPLI Nièvre, acteur historique de la lutte contre l’illettrisme dans le département, dont le président Jean-Luc Brun a appelé à « passer à la vitesse supérieure » : « Il n’y a qu’un travail très collectif qui arrivera à faire bouger les choses. »
La convention, signée en clôture de la rencontre par Fabien Bazin avec la présidente de la Fédération des œuvres laïques, Michèle Zwang-Graillot, donne corps à ce collectif invité à entrer au plus vite dans le vif du sujet, tant l’illettrisme est devenu une montagne, comme le confie Myriam Albert, écrivain public sollicitée pour rédiger des courriers mais aussi déchiffrer des SMS, des mails : « Il n’y a jamais eu autant besoin d’écriture que depuis l’arrivée d’Internet. »