Le 26 juin 1944, le temps et l’humanité se sont arrêtés à Dun-les-Places, village du Morvan balayé par une tempête de terreur nazie. Vingt-sept hommes fusillés, des maisons méthodiquement pillées puis incendiées, des dizaines de veuves et d’orphelins, un effroi, un chagrin gravés dans les murs et les esprits du principal village martyr de Bourgogne. Mercredi 26 juin, 80 ans plus tard, le souvenir de ce massacre planera sur la commémoration.
Ce sont des mots, des images, qui frappent le visiteur de plein fouet, en plein cœur, presque par surprise, et le hantent durablement. Dans la première salle du Mémorial de Dun-les-Places (1), où l’on prend place sur un petit tabouret de métal, le témoignage en vidéo de Simone Balloux, fille de Raymond Balloux, l’un des vingt-sept fusillés du 26 juin 1944, a la force renversante du chagrin à l’état pur, du souvenir à vif, du deuil impossible.
À l’écran, la femme déjà âgée, qui parle plus de 50 ans après les faits, disparaît derrière l’adolescente de 16 ans, terrorisée, cet après-midi orageux de début d’été, quand les nazis et les miliciens déferlent dans le calme village du Morvan, fouillent les maisons, emmènent des hommes, dont Raymond Balloux, pour un contrôle d’identité. Dès les premières phrases, la voix de Simone Balloux tremble, de plus en plus fort, à mesure que son récit avance dans l’horreur. Des larmes à ses paupières, puis des sanglots remontés de l’enfance, quand elle raconte autant qu’elle revit l’annonce de la mort de son père, sa mère qui s’effondre sur le talus, puis la découverte du corps en partie caché sous la paille, au pied de l’église, les deux longues jambes qu’elle reconnaît. À côté, un enchevêtrement de corps mitraillés sur lesquels les tueurs ont jeté des grenades, dont l’impact se voit encore dans les dalles, sous le porche de l’église. Même le curé dans son clocher n’a pas échappé à leur rage.
« Nous voilà tous les deux »
Du 26 au 28 juin 1944, Dun-les-Places a été projeté dans les ténèbres de la folie nazie. Une folie doublée de méthode : comme le montre le Mémorial, le massacre a été planifié lors de deux réunions des officiers allemands à Dijon. Il s’inscrit, comme les incendies massifs de la veille à Planchez et Montsauche, dans une stratégie de terreur destinée à dissuader la population de soutenir les maquisards, dont la guérilla fait rage depuis le débarquement des Alliés en Normandie.
Avec le renfort des miliciens, les nazis placent Dun sous une cloche d’effroi. Ils pillent chaque foyer, tuent les troupeaux, la moindre volaille, incendient les maisons, puis repartent, les camions, cars et voitures chargés de butin, en chantant et en jouant de l’accordéon. Laissant un village dévasté, des familles ravagées par la mort d’un père, d’un frère, d’un fils. Dans la vidéo du Mémorial, Camille Bachelin, tout en retenue, regard perdu dans le vague, dit les mots de sa mère : « Nous voilà tous les deux. » Son père et son frère font partie des vingt-sept, dont le nom est gravé sur un monument de pierre blanche, devant l’église.
Chaque année, le 26 juin, les familles des fusillés se resserrent autour de la mémoire de ces jours noirs. Le 80e anniversaire, mercredi, aura l’éclat singulier des décennies pleines. Voici le programme :
• 9 h 45, office religieux ;
• 11 h, cérémonie en hommage aux victimes du massacre, suivie de la présentation de l’exposition La Nièvre en 1944 ;
• 15 h 30, projection du film La Mémoire de Dun-les-Places (2001) dans la salle culturelle du village ;
• De 14 à 18 h, ouverture du Mémorial, entrée libre.
©️ Photos Musée de la Résistance en Morvan et Mémorial de Dun-les-Places