Vendredi dernier, le Conseil départemental, représenté par la 1ère vice-présidente Blandine Delaporte, et l’Office national des forêts, ont organisé une réunion de concertation autour des travaux sanitaires à mener dans une forêt d’épicéas sur le mont Préneley. Objectif : endiguer l’expansion du scolyte, un insecte ravageur.
Le secteur des Maurins, sur le mont Préneley, abrite la plus grande forêt du département ; elle comprend une parcelle de 4,5 hectares (sur 105), composée d’épicéas. Cette essence montagnarde, plantée hors de son optimum écologique, indifférente à la richesse chimique du sol, exige néanmoins une humidité atmosphérique élevée et constante tout au long de l’année.
Jusque-là miraculeusement épargnée, cette parcelle s’est sérieusement dégradée. La cause ? La succession d’intenses périodes de canicules et les fortes chaleurs de septembre et octobre 2023 ont été propices aux essaimages des scolytes, qui infestent en partie les épicéas. L’attaque de cet insecte nécessite une… contre-attaque de l’ONF, gestionnaire emblématique des forêts départementales, qui propose des éclaircies, des coupes pied à pied par trouée, pour prélever les arbres morts et ceux déjà bien atteints.
Propriétaire de cette forêt, le Conseil départemental doit répondre à une obligation de coupe, imposée par l’arrêté préfectoral en vigueur, afin d’éviter la propagation des coléoptères et de prévenir le risque sécuritaire et les incendies. D’autres cadres réglementaires viennent également compliquer l’intervention.
Situé sur la commune de Glux-en-Glenne, à l’extrême sud du massif du Morvan, le mont Préneley est un site classé. Il fait partie du réseau Natura 2000, en raison de sa forêt typiquement morvandelle et de sa tourbière, les « sources de l’Yonne », Espace naturel sensible appartenant également au Conseil départemental. Situé également à quelques kilomètres de Bibracte et du mont Beuvray, Préneley est englobé dans le label Grand Site de France. Autant de contraintes que le Département et l’ONF doivent prendre en compte en respectant différents enjeux : la biodiversité, le paysage et l’accueil du public.
La réunion de concertation a fait le point sur l’état sanitaire, avant de détailler les travaux envisagés, et leur phasage : « On travaille main dans la main avec le Département », précise Jérôme Mollard, directeur de l’agence ONF Bourgogne ouest. « Nous allons faire du sur-mesure, en prenant en compte les enjeux et les envies du propriétaire. C’est pourquoi nous allons procéder à une éclaircie sanitaire, en prélevant uniquement les arbres secs et ceux qui sont attaqués par le scolyte. Cette parcelle n’a jamais été exploitée et ne dispose pas d’aménagement accessible aux engins. Il faut créer des cloisonnements d’exploitation et stabiliser le terrain pour éviter le dénivellement en créant une zone plane facilitant la circulation. »
Les aménagements présentés, ne manquent pas de faire réagir Lucienne Haese, représentante de l’association Autun Morvan Écologie. Communément appelée « Lulu du Morvan », la fervente combattante contre l’enrésinement des forêts du Morvan, lutte pour la préservation des feuillus et prône des pratiques sylvicoles proches de la nature : arbres de tout âge, essences mélangées.
Elle s’inquiète ainsi « de la création des deux collecteurs et du réseau de cloisonnement qui implique la destruction d’une partie de la forêt et qui viendrait défigurer le paysage ». Et d’ajouter :« Ce qui me choque, ce sont ces lignes de cloisonnements. D’un point de vue paysage, c’est terrible. Pourquoi ne pas évoquer une autre solution, le débardage par câbles ? »
« On évite à terme une coupe rase »
Jérôme Mollard s’empresse de répondre : « On essaye d’avoir une solution adaptée et dogmatique. On peut envisager l’utilisation des câbles, mais on devra créer des collecteurs plus grands et des lignes de cloisonnements plus larges. Il faudra s’assurer de la faisabilité de l’installation des fixations. Cela aura un impact sur le coût et sur le paysage. »
Blandine Delaporte réagit aussitôt : « On a conscience qu’il faut préserver la biodiversité, le paysage, mais nous avons l’obligation d’agir sur ces arbres attaqués. Avec ces éclaircies, on espère ralentir la propagation. Cette parcelle n’a jamais été exploitée. Dans un avenir proche, il aurait fallu intervenir pour l’exploitation. On anticipe de quelques années ces travaux. En agissant maintenant, on évite le pire ! On évite à terme une coupe rase, qui aurait un impact dommageable sur le paysage. »
Pour l’ONF, ces éclaircies comportent quelques avantages. Ce peuplement fermé empêche la pousse de la végétation, tandis que la litière très acidifiée bloque la régénération biologique. Les éclaircies apporteront de la lumière nécessaire pour la décomposition, et favoriseront la repousse des feuillus. C’est aller vers une futaie irrégulière, mélangée. Une façon d’anticiper sur le devenir des forêts, en réfléchissant sur les nouvelles gestions, afin de les rendre plus résistantes au réchauffement climatique.