Au menu de l’Agenda nature, édité chaque année par le Conseil départemental, une visite de ferme organisée par Bio Bourgogne a mené une trentaine de personnes sur les terres de Pascaline Loquet, à Coulanges-lès-Nevers, autour du thème de l’agroforesterie. L’éleveuse d’ovins et productrice de petits fruits, installée depuis 2020 en agriculture biologique, donne en effet une place centrale à l’arbre, longtemps perçu comme un concurrent du rendement, dans son écosystème. Ombre pour les bêtes, rempart contre le vent et l’érosion, immeubles de la biodiversité : loin d’être honnis, les arbres sont portés aux nues dans la Petite Ferme.
Depuis 1950, 70 % des haies ont disparu du paysage agricole français, sous la poussée d’un remembrement qui incitait les paysans à agrandir leurs parcelles. Ennemie désignée de la productivité, la haie inspirait même une campagne de publicité sans ambiguïté : « Agriculteur, vous perdez de l’argent. » Près de 75 ans plus tard, si l’arrachage conserve de nombreux adeptes (1), la replantation « fleurit » çà et là.
A Coulanges-lès-Nevers, de l’autre côté de l’A 77, en lisière de la forêt des Amognes, la Petite Ferme est une oasis de l’agroforesterie, une philosophie qui « intègre l’arbre à une activité agricole, culture ou élevage », comme le définit Pauline Foulon, conseillère en maraîchage, plantes aromatiques et médicinales et mission biodiversité au sein de Bio Bourgogne, lors de la visite organisée dans le cadre de l’Agenda nature.
Bravant la pluie et la fraîcheur, une trentaine de personnes ont écouté ses explications et celles de Pascaline Loquet, ingénieur agronome de formation, installée en 2020 en bio, « une évidence », sur 20 hectares achetés à un agriculteur retraité. Sa reconversion soigneusement pensée et maîtrisée s’appuie sur l’élevage d’ovins à viande et sur la production de petits fruits : « Tout est en vente directe et, un peu, en magasins spécialisés », explique la jeune femme, pilier du groupement d’éleveurs qui a ouvert l’atelier de découpe et de transformation La Fermille à Saint-Benin-d’Azy.
« La haie est un corridor écologique »
Sur ses terres, non seulement les haies existantes ont été conservées, mais elles ont été rejointes par 1 200 mètres de haies fruitières et forestières plantées au fil des ans. Sureaux, noisetiers, pommiers, poiriers pour les premières, érables, chênes, charmes pour les secondes : les essences varient, les hauteurs aussi, en veillant à une largeur de 1,5 à 2 mètres pour « une belle haie » synonyme de faune riche. Linottes, bruants jaunes, buses, coccinelles, papillons citrons, bourdons des arbres figurent parmi les habitants des haies de la Petite Ferme : « Une haie, c’est un corridor écologique d’un territoire à un autre », précise Pauline Foulon. « Par exemple, le hérisson préfère se déplacer sous des espaces couverts. C’est aussi un terrain propice pour la belette ou le crapaud. »
Soigner la biodiversité, même à l’échelle d’une petite exploitation agricole, est un enjeu majeur, comme le rappelle la technicienne de Bio Bourgogne, chiffres à l’appui : « 41 % des invertébrés sont menacés, et avec eux, c’est toute la chaîne alimentaire qui est impactée. » Avec le changement climatique, les épisodes annualisés de canicule et de sécheresse renforcent l’importance des haies hautes, pour garder les animaux au frais et ménager la végétation dans leur ombre portée : « J’ai dix à quinze jours d’herbe en plus sous les arbres », note Pascaline Loquet.
C’est dans cette optique de création de parasols naturels – et fructifères – qu’elle a planté 127 châtaigniers sur une de ses parcelles : « Onze variétés différentes », qui croissent avec le renfort du fumier des moutons, pour une première production de châtaignes attendue au bout de huit ans.
Au cours des prochaines années, l’agroforesterie pourrait prendre d’autres formes sur l’exploitation de l’agricultrice toujours en veille : « Je vois ma ferme comme un terrain d’expérimentation. »