La transition environnementale et le grand âge sont deux préoccupations auxquelles chacun est confronté, ou le sera dans un futur plus ou moins proche. Quoi de plus logique, dès lors, que d’intégrer les citoyens à la réflexion politique sur des sujets qui les touchent, eux leurs parents, grands-parents et enfants ? Tel est l’esprit de l’agora participative que le Conseil départemental a organisée, le 29 mars, à l’occasion du séminaire du Groupe de gauche de l’Assemblée des Départements de France. Une « première » foisonnante, vivante et vivifiante, à traduire désormais en propositions concrètes.
Depuis 2022, les rencontres citoyennes d’Imagine la Nièvre ! associent les Nivernais à la construction de l’avenir de leur département. La démarche, initiée par Fabien Bazin, président du Conseil départemental, a naturellement étendu ses ramifications au séminaire du Groupe de gauche de l’Assemblée des Départements de France, qui s’est tenu les 28 et 29 mars à Nevers.
Après avoir finalisé leur Manifeste des 32 pour une décentralisation juste et citoyenne, les présidents ou représentants de Conseils départementaux se sont fondus, le 29 mars, dans la double agora participative consacrée à deux grands enjeux contemporains, la transition environnementale et le grand âge, « les deux sujets auquel notre pays doit s’atteler », comme l’a rappelé en préambule Fabien Bazin, soulignant les vertus de la réflexion collective : « Les vrais experts du territoire, ce sont nos concitoyens. »
Enchâssée dans les lectures de la comédienne Jessie Chapuis (1) et les conclusions décapantes de la Ligue d’improvisation, chaque agora a réuni une cinquantaine de personnes réparties en ateliers dans les salons de l’Hôtel du Département et de la préfecture. Professionnels avertis, habitants sensibilisés, profanes curieux : les parcours se mêlent, la mayonnaise prend, grâce à une écoute respectueuse rappelée en préambule : « Comme on dit dans les westerns, on laisse nos armes à l’entrée. Le principe de base, c’est la bienveillance. Ici, on est tous des citoyens égaux. »
Les ateliers s’égaillent dans les salles, et se mettent au travail selon un rituel édicté par un animateur. Quelques minutes de réflexion pour coucher les arguments, puis une mise en commun, un débat, et une mise en forme des idées les plus fortes. « Faire primer l’intérêt général sur l’intérêt particulier, c’est très bien, mais très difficile à mettre en œuvre », souffle un des participants. « Les enquêtes publiques ne sont que consultatives, hélas », ajoute sa voisine, qu’inquiètent les zones d’accélération des énergies renouvelables, en cours de définition. Agrivoltaïsme, gestion de l’eau, sentiment de vacuité des efforts individuels dans un gaspillage mondialisé, etc. : les thèmes fusent, les idées s’entrechoquent pendant une heure. « On a tous une voiture, un portable. Quels « sacrifices » sommes-nous prêts à faire ? », pique l’une. « On me regarde avec de grands yeux quand je dis que je ne vais plus prendre l’avion. »
Tous retournent dans la salle François-Mitterrand pour la « collecte » finale. Un rapporteur par atelier énonce les conclusions, qui forment une riche mosaïque où le concret s’ajuste à l’utopie. Blandine Delaporte, 1ère vice-présidente du Conseil départemental de la Nièvre, résume les réflexions de l’atelier « politique », qu’inspire la dialectique de la fin du monde et de la fin du mois : « On n’a jamais eu autant conscience du changement climatique, et pourtant il est difficile de changer les comportements. Ce sont les plus vulnérables qui subissent le plus fort impact du changement climatique. Voilà pourquoi nous devons lutter contre les inégalités et les injustices sociales. »
Au programme de la seconde agora participative, le « bien vieillir » inspire lui aussi une profusion d’idées et de propositions : « Bien vieillir, c’est déjà bien vivre tout au long de la vie, pas seulement à partir de 65 ans. Ça commence à la naissance. » À la lisière du café philo, les débats musardent parfois sur la notion du « bien », la sémantique du vieillissement et de l’autonomie. L’adaptation des logements, l’anticipation, la nécessité des liens intergénérationnels reviennent dans les conclusions. Fabien Bazin pose la question du « rapport au corps », tabou traité délicatement dans Le Promeneur du Champ-de-Mars, un film évoquant les derniers jours de François Mitterrand : « Passé un certain âge, c’est comme si la vie s’arrêtait. On n’est plus un être vivant, on n’a plus de sexualité, on n’est plus un être humain. Par exemple, on ne mange plus de viande, on ne mange que de la bouillie. »
Toutes les conclusions de ces deux agoras ne resteront pas lettre morte. D’autres réunions permettront de les approfondir et de les transformer en actions. Une prolongation attendue par les citoyens, qui ne veulent pas être déçus : « Souvenez-vous des états généraux qui ont fait suite au mouvement des Gilets jaunes », rappelait un participant du matin. « Tout ce qui a été dit a fini direct à la poubelle. » Fabien Bazin s’est attaché à lever toute inquiétude à ce sujet, rappelant au contraire la nécessité d’impliquer les citoyens dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques sur la transition environnementale et le bien vieillir.
1. Des extraits d’ouvrages et de discours de François Mitterrand, dont l’élection à la présidence du Conseil général de la Nièvre le 28 mars 1964 constituait le point d’ancrage du séminaire, et des contributions de citoyens.