Avec l’école, le commerce porte la vie d’un village, à tel point que le baisser du dernier rideau est souvent ressenti comme un deuil. Pour « rallumer la lumière », des épiceries participatives voient le jour, un peu partout en France. L’association nationale Bouge ton CoQ, qui en a accompagné plus de 80, veut en faire naître dix dans la Nièvre, avec le soutien du Conseil départemental. Plusieurs communes sont déjà intéressées par ce concept citoyen, officiellement présenté à Pougny le 31 mars.
A 7 km de Cosne-sur-Loire et de la vaste zone commerciale qui phagocyte son entrée sud, Pougny s’est lancé le défi de faire renaître une épicerie en plein cœur du bourg. « On avait une toute petite épicerie, qui a fermé il y a sept ou huit ans », explique Thierry Beauvais, maire de la commune viticole de 500 habitants. « Comme on est proches de Cosne, les gens ont pris l’habitude de faire leurs achats en grandes surfaces, mais notre projet d’épicerie ne vise pas le même type de produits, ni la même éthique. Les producteurs locaux sont très intéressés. Et cette épicerie, ce serait un lieu de rencontres, c’est même le premier motif de sa création. »
Comme La Marche, Arquian, Urzy et Marzy, Pougny fait partie des communes qui ont répondu à l’appel de l’association nationale Bouge ton CoQ et du Conseil départemental pour faire naître dix épiceries participatives. Vendredi 31 mars, la salle des fêtes de Pougny a accueilli la présentation de ce concept pétri d’économie sociale et solidaire, de citoyenneté et de consommation responsable.
L’idée phare ? Chaque adhérent donne deux heures (ou plus s’il le souhaite) de son temps chaque mois pour tenir l’épicerie installée dans un local mis à disposition gracieusement par la commune. Pas de salaire, pas de loyer : les deux principaux postes de charges qui « coulent » souvent les commerces ruraux sont absents des épiceries participatives, qui peuvent vendre les produits sans faire de marge, 20 % moins chers que dans la grande distribution, à panier égal, selon Bouge ton CoQ.
Autre singularité des épiceries participatives, les clients sont les adhérents, selon un principe de donnant-donnant ou de gagnant-gagnant qui fait le succès de l’expérience : 85 commerces ouverts, une soixantaine d’autres en cours de création, et aucune fermeture. La recette ne fonctionne que si les habitants s’impliquent : « Il faut être au moins dix au début pour ouvrir au moins deux fois par semaine », explique Aymard de la Guillonnière, responsable des créations d’épicerie de Bouge ton CoQ. « La vitesse de croisière est atteinte quand il y a 40 personnes. L’amplitude des horaires d’ouverture dépend du nombre d’adhérents. »
Soutenu par l’Association des maires ruraux de France, l’initiative de Bouge ton CoQ a suscité l’intérêt naturel du Conseil départemental, qui a fait de la participation citoyenne et de l’économie sociale et solidaire deux de ses chevaux de bataille. « C’est une nouvelle façon de faire les choses ensemble, et de prendre notre destin en mains », souligne Fabien Bazin, président du Département. Une subvention de 20 000 € a été attribuée à l’association pour « lancer l’amorçage de dix épiceries ».
Celles-ci n’ont pas vocation à être de simples lieux de consommation : « Elles font vivre le tissu économique local. Une épicerie participative a en moyenne un chiffre d’affaires de 150 000 à 200 000 € par an, dont 70 % pour des producteurs dans un rayon de 20 km alentour », détaille Aymar de la Guillonnière. « Mais chaque épicerie recrée du lien social, elle suscite des projets, par exemple de potager participatif, de bibliothèque, de portage de courses aux personnes âgées. Et chaque épicerie épouse la forme de son village, il n’y en a pas une qui se ressemble. »
Dans les communes intéressées, Bouge ton CoQ organise une réunion publique qui prend le pouls de la détermination : « C’est là que l’on voit s’il y a assez de volontaires pour lancer le projet. On ne fait pas d’étude de faisabilité, mais une étude de motivation. »
Président de Bouge ton CoQ, Jérôme Saddier croit à ce « service public alimentaire » qui rallume la lumière dans les villages : « On est au début d’une belle histoire ensemble. » La solidarité à l’œuvre pour le commerce rural est appelée à irriguer d’autres domaines dévitalisés, comme la santé : « Nous avons ouvert notre premier cabinet médical solidaire dans la Creuse, où des médecins venus de partout en France se succèdent chaque semaine. En 2023, nous prévoyons trois ou quatre autres ouvertures en France, peut-être dans la Nièvre. »
En savoir plus : www.bougetoncoq.fr