Elles ont le regard plus doux et l’empreinte carbone plus sobre qu’un tracteur tondeuse. Depuis quelques semaines, une quinzaine de brebis ont pris leurs quartiers sur des parcelles du Technopôle de Magny-Cours, dans le cadre d’une convention d’éco-pâturage réunissant le Conseil départemental, la société gestionnaire du circuit de Nevers-Magny-Cours et une éleveuse nivernaise. Cette gestion écologique s’inscrit dans la culture de développement durable patiemment semée par le Département.
Ses brebis Hampshire à tête noire détonnent dans le paysage nivernais, plus habitué aux Texel, Charollais et Ile de France. C’est pour leur « esthétique » à part que Marie-Dominique Commaille les a choisies, avec les Charmoise, pour créer et développer son élevage : « Il n’y a presque pas de Hampshire dans le secteur. Comme les Charmoise, c’est une race rustique, un peu plus économe au niveau de la nourriture. »
En 2013, la formatrice en zootechnie au Centre de formation des apprentis (CFA) de Challuy a acheté ses premières brebis, accomplissant son rêve d’élevage : « J’ai toujours eu cette idée en tête, je ne saurais pas dire pourquoi. Je suis une citadine, de Nevers. Il m’a fallu du temps pour concrétiser mon projet et trouver une ferme ; ce n’est pas facile quand on n’est pas du milieu. »
Son expérience de responsable de site à la ferme du Marault convainc Albert Raymond, un des hommes clés de l’élevage bovin charolais dans la Nièvre, de lui faire confiance : « J’ai travaillé vingt ans avec lui. J’ai pu m’installer sur son ancienne ferme, à Decize. » Les 65 hectares de pâtures de l’exploitation nourrissent son élevage ovin ainsi qu’une quinzaine de vaches charolaises : « Mais le sol est sableux, alors rapidement il n’y a plus d’herbe ; par exemple, cette année, il n’y avait plus d’herbe début juillet. C’est pour cela que je voulais avoir des races économes. Je les nourris aussi avec le foin récolté sur l’exploitation. »
La quête de pâturages complémentaires devient nécessaire pour « préserver un peu d’herbe ». Marie-Dominique Commaille « place » une dizaine de brebis chez des particuliers amateurs de tonte écologique, mais l’opportunité d’en installer sur une parcelle de 3 hectares au Technopôle de Magny-Cours permet à l’éleveuse de voir plus grand : « J’en ai emmené une quinzaine début octobre ; je vais les rentrer à Decize quand il fera mauvais, et j’en ramènerai davantage au printemps. Le site est intéressant, il est sécurisé, il y a de l’ombre et j’ai pu trouver un arrangement avec le Circuit de Nevers-Magny-Cours, qui remplit ma cuve d’eau dès qu’elle est vide. »
La convention passée entre Marie-Dominique Commaille, le Département (propriétaire du site) et la société gestionnaire du circuit a été ratifiée par les élus en commission permanente. Pour le Conseil départemental, engagé depuis des années dans une démarche de développement durable, l’éco-pâturage est un mode de gestion écologique aux vertus évidentes : économies de carburant, pollution amoindrie, charges financières réduites.
Pour l’éleveuse, cette convention est un petit ballon d’oxygène dans une double vie chronométrée : « Je donne 15 à 20 heures de cours par semaine au CFA. Ce qui est compliqué, c’est de caler les agnelages sur les vacances scolaires. Pour les ovins, je ne fais que de la vente directe de caissettes d’agneau, à la ferme (j’ai environ 150 clients), auprès de bouchers de Cosne via l’association Agneau près de chez vous, et sur des marchés. Je fais aussi transformer la laine de mes brebis ; elles sont tondues une fois par an, la laine part à Saugues, en Haute-Loire, pour être lavée, puis dans une filature à Felletin, dans la Creuse. »
Adhérente de la marque territoriale La Belle Nièvre, Marie-Dominique Commaille vend la laine et la viande sur le marché de Coulanges-lès-Nevers et, durant l’été, au marché de producteurs du Port de Decize. Aussi frénétique que celui d’un pilote vrombissant à Magny-Cours, le rythme lui convient : « J’aime mon métier de formatrice pour l’ouverture d’esprit, la connaissance. Et cela me permet de sortir de la ferme. Je suis arrivée à un bon compromis, je n’ai pas envie d’arrêter. »