Soutenu par le Conseil départemental, le programme d’expositions mobiles Eclats (La Maison) fait entrer des écoliers nivernais dans le monde de l’artiste Anne Ethuin. De l’observation à la pratique, les dessins surréalistes et foisonnants réunis dans la salle Olga-Olby à Decize ont servi de rampe de lancement idéale pour la créativité des enfants, repartis de leur séance avec une vision joyeuse et démythifiée de l’art.
En une poignée de questions, le mystère de l’art est résumé aux élèves de CM1 de l’école Saint-Just sagement assis dans la salle Olga-Olby, à Decize. « Est-ce qu’on peut dire qu’Anne Ethuin sait dessiner ? Que c’est beau ? Qu’on aime ou pas ? », interroge, avec un sourire énigmatique et gentiment provocateur, Pascale Massicot, responsable du programme Eclats à La Maison.
Accrochés aux murs blancs de l’imposante chapelle des Minimes, les dessins d’Anne Ethuin frottent leur univers luxuriant à la curiosité enfantine, en cette fin d’année scolaire. Quelques minutes de présentation et la classe de Chloé Lamoureux s’égaille dans la salle pour observer chaque œuvre. Avec application, Tylane prend chaque dessin en photo « pour avoir des souvenirs », tandis que ses camarades collent leur visage au plus près des cadres pour examiner le raffinement des détails.
Travaux préparatoires aux collages revêtus qui ont fait la renommée d’Anne Ethuin – et exposés à La Maison jusqu’au 16 juillet –, les dessins sont déjà de véritables œuvres : « On voit qu’elle y a passé beaucoup de temps », souffle un élève. Un autre affine : « Quand on va regarder dans le détail, on voit qu’elle est vraiment dans son pays de rêve. » Fragments de dessin en main, les écoliers repartent pour un nouveau jeu d’observation et d’association de chaque détail à son œuvre, avant de passer à l’atelier.
Avec la plasticienne Régine Sicard, Pascale Massicot explique le programme, composé de séances courtes promptes à éloigner l’ennui. Ni impressionniste ni impressionnant, le goût surréaliste d’Anne Ethuin, cofondatrice dans les années 50 du mouvement avant-gardiste Phases, se prête parfaitement au(x) jeu(x). Le dessin aléatoire suivant les méandres d’une ficelle tombée sur une feuille et la « dictée particulière » à la manière des cadavres exquis emballent les enfants, concentrés sur leur création dont ils fignolent les détails : « Ils sont très demandeurs de ce genre d’exposition », glisse Chloé Lamoureux, qui assure les cours un jour par semaine en décharge de la directrice Alexandra Compot. « On pourra réutiliser cette séance en classe pour les arts plastiques ou l’écriture de poésie. »
Sans le savoir, les enfants deviennent artistes en herbe, démiurges en culottes courtes. Un motif d’Anne Ethuin collé au milieu d’une feuille blanche les invite à combler l’espace autour, à leur guise. En quelques minutes, naissent des pieuvres, des super-héros, des masques, des robots. « Ca les inspire et ça les aspire », sourit Régine Sicard en voyant les mines appliquées et les mains frénétiques. L’essence de l’art est là, plaisir pur de la création, ligne directe de l’imaginaire à la feuille. Savoir dessiner ou pas ? L’essentiel est ailleurs.