Logements mal isolés, factures qui flambent, santé affectée : la précarité énergétique est un mal qui frappe partout en France et qui touche, dans la Nièvre, un foyer sur quatre. Des aides financières et des solutions techniques existent, mais elles restent encore trop méconnues, en raison, souvent, du repli sur soi des ménages concernés. Comment mieux déceler pour mieux accompagner, sortir les familles de l’isolement pour mieux isoler leur logement, tel était le sujet central des 5es Rencontres départementales de la précarité énergétique, organisées à l’Agropôle du Marault par le Conseil départemental, le Syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre (SIEEEN) et l’Agence locale pour l’énergie et le climat.
Élus, travailleurs sociaux, organismes spécialisés dans l’habitat et l’énergie, techniciens, associations caritatives, etc. : les acteurs de la lutte contre le mal-logement étaient rassemblés à l’Agropôle du Marault, le 23 novembre, pour les 5es Rencontres départementales de la précarité énergétique en Nièvre. Avec le sentiment partagé d’une lutte de plus en plus âpre et urgente contre un phénomène qui touche de plus en plus de foyers. Principales responsables, la hausse particulièrement violente des tarifs de l’énergie et l’inflation rongeant le pouvoir d’achat, depuis 2022, ont fait plonger des ménages qui gardaient, jusqu’alors, la tête au-dessus de la ligne de flottaison.
« La situation est grave », a rappelé en ouverture Jean-Paul Fallet, conseiller départemental délégué à l’habitat et à l’économie sociale et solidaire, citant les chiffres effarants du médiateur de l’énergie : « 31 % des consommateurs ont eu des difficultés pour payer leurs factures d’énergie en 2022, contre 18 % en 2020, et les jeunes sont les plus touchés, avec 55 % des 18-34 ans concernés. Et 26 % des Français ont souffert du froid chez eux l’hiver dernier, soit 4 points de plus que l’hiver précédent. » En cause, la difficulté à boucler les fins de mois, mais aussi la mauvaise isolation des logements.
Dans la Nièvre, la précarité énergétique frappe plus durement qu’ailleurs, et touche directement un foyer sur quatre. Un habitat ancien et énergivore, des revenus statistiquement plus modestes que la moyenne nationale, expliquent un ratio dont la raison ne s’accommode pas : « Des dispositifs d’aides, des subventions existent, mais nous savons qu’il est tout aussi important que les personnes dans cette situation soient guidées et accompagnées car souvent il y a cumul avec d’autres difficultés », explique Jean-Paul Fallet.
Depuis une décennie, des actions multiples sont engagées pour contrer ce phénomène repéré de longue date, et évalué tant qualitativement que statistiquement. Mais les difficultés subsistent : des travaux ambitieux à réaliser qui restent complexes à accompagner pour des personnes fragilisées ; les tarifs réglementés du gaz qui s’arrêtent, et a contrario les offres commerciales de certains fournisseurs d’énergie qui endettent encore plus les ménages pauvres.
Parce qu’il n’est pas acceptable que des personnes se privent d’énergie aujourd’hui, des professionnels, élus et bénévoles s’engagent pour informer et accompagner au mieux les Nivernais dans le besoin : en diffusant de l’information ciblant ces habitants, en réalisant des diagnostics, en travaillant sur les budgets, sur des projets de travaux économes efficaces, etc.
En première ligne de la lutte, les travailleurs sociaux sont des vigies et des relais primordiaux, dont le rôle a été souligné au cours des débats de la matinée, animés par des spécialistes du Syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre (SIEEEN), de l’Agence locale pour l’énergie et le climat et du Département. L’impact de la précarité énergétique sur la santé des occupants a ainsi fait l’objet d’une présentation détaillée ; ventilation insuffisante (les entrées d’air sont souvent bouchées pour éviter les déperditions de chaleur), humidité, moisissure, usage d’un poêle d’appoint à pétrole ou de produits chimiques dégradent les organismes aussi inéluctablement que le bâti. Jusqu’au risque, fatal, de l’incendie ou de l’intoxication au monoxyde de carbone.
La seule issue, la rénovation énergétique performante des logements, n’est pas aussi inaccessible financièrement qu’il n’y paraît. Aux aides de l’État, au renfort inestimable de la Fondation Abbé-Pierre (1), s’ajoute le Fonds nivernais d’aide à la maîtrise de l’énergie (FNAME), qui apporte des subventions mais aussi, et peut-être surtout, un accompagnement technique et social à des ménages fragilisés par leurs difficultés. En dix ans d’existence, le FNAME a déjà aidé 277 foyers à réaliser des travaux de rénovation énergétique, en apportant 571 000 € d’aides (2). « Ce sont des dossiers longs à monter car les situations sont complexes », explique une animatrice. « Les personnes sont vulnérables, les difficultés sont cumulées. C’est du cousu main, du cas par cas, qui demande du temps. Mais il est clair que le FNAME permet de trouver des solutions à des gens qui n’auraient jamais fait de travaux. »
1. Christophe Robert, délégué général, a enregistré un message diffusé en introduction de ces Rencontres labellisées Journée nationale de la précarité énergétique, un événement créé par la Fondation Abbé-Pierre il y a trois ans.
2. Financés à 40 % par le Département, 40 % par le SIEEEN et 20 % par les dix intercommunalités associées.