À l’initiative du Conseil départemental et de son président Fabien Bazin, la lutte contre l’illettrisme prend une nouvelle ampleur en mobilisant les collectivités, les associations et les services de l’État autour d’un plan d’actions baptisé « Être en toutes lettres ». Le repérage et l’accompagnement des personnes en situation d’illettrisme, dont le nombre est estimé à 10 000 dans la Nièvre, sont les enjeux clés de ce projet sans précédent en Bourgogne-Franche-Comté.
L’illettrisme est une plaie invisible, une douleur indicible. Pour l’évaluer dans la Nièvre, il faut se contenter d’estimations, de calculs nationaux rapportés à l’échelle du département : 7 % de la population adulte, 2,5 millions des 18-65 ans en France métropolitaine, 10 000 Nivernais. Dont une infime proportion franchit les portes des ateliers de l’AFPLI (Association familiale de prévention et de lutte contre l’illettrisme) : « Nous avons reçu 644 personnes depuis le 1er janvier 2023, principalement pour du français langue étrangère, et une minorité de personnes en situation d’illettrisme, environ une cinquantaine », expliquait Jean-Luc Brun lors du lancement du plan départemental de lutte contre l’illettrisme, le 17 octobre à l’Hôtel du Département.
Mieux repérer les personnes concernées, lire entre les lignes des stratégies de contournement souvent déployées pour dissimuler un illettrisme vécu comme une honte, tel est l’enjeu de ce plan d’actions initié par Fabien Bazin, président du Conseil départemental, en septembre 2022, à La Charité-sur-Loire, lors des Journées nationales de lutte contre l’illettrisme : « C’est un sujet complexe qui méritait que l’on fasse l’union des forces, entre les services de l’État, le Département, la Région, et ce milieu associatif qui est si précieux. Nous arrivons à la concrétisation de cette belle mobilisation. Avec la préfecture, nous avons cosigné la lettre de mission de Gaëtan Gorce, coordinateur du projet, qui est le gage d’un suivi actif dans la durée. »
Ancien député, sénateur et maire de La Charité-sur-Loire, Gaëtan Gorce a souhaité s’impliquer pleinement, et à titre bénévole, pour une cause essentielle à ses yeux : « Les personnes en situation d’illettrisme sont privées d’un droit élémentaire, celui de pouvoir s’épanouir et d’utiliser les ressources de la société. » Une injustice et une souffrance qui ont incité Fabien Bazin à faire sortir le Département de son champ de compétences – comme pour la santé : « Ce plan d’actions est un outil de lutte contre l’isolement, au sens large. »
Dix-neuf actions à mettre en œuvre
Son titre, « Être en toutes lettres », incarne parfaitement l’esprit d’une initiative unique en Bourgogne-Franche-Comté, comme le soulignait Cyril Georges, délégué régional de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Son succès passera par la mobilisation des partenaires du champ social, réunis autour de la grande table de la salle François-Mitterrand aux côtés des représentants des collectivités : l’AFPLI, la Fédération des œuvres laïques (FOL), l’APIAS, Pagode, l’École de la deuxième chance.
La sensibilisation des personnels chargés de l’accueil du public – secrétaires de mairie, agents de France services, travailleurs sociaux, etc. – sera l’un des axes majeurs de ce plan décliné en 19 actions autour de verbes clés : prévenir, repérer, orienter, accompagner, coordonner, décloisonner. Avec une personne en situation d’illettrisme sur deux ayant un travail, le rôle de l’entreprise dans le repérage est lui aussi capital : « Ce n’est pas simple de sensibiliser un salarié à son problème d’illettrisme », explique Jean-Philippe Richard, président de la Chambre de commerce et d’industrie de la Nièvre. « Nous devrons former nos équipes pour y parvenir. » Le sujet sera d’ailleurs au programme du club Les Entreprises s’engagent, le 7 décembre prochain.
Avec l’affectation à cette mission de deux professionnels rattachés respectivement au Département et à une grande association nivernaise, « Être en toutes lettres » passera des engagements aux actes début 2024.