On le sait encore (trop) peu mais le seul magazine sportif de France à destination des 7-11 ans, À fond !, se construit, s’écrit et désormais s’imprime dans la Nièvre. Installée depuis quelques années à Varzy, Myriam Alizon, ex-journaliste de L’Équipe, a patiemment mûri son projet, sans équivalent en France, d’un titre écrit à hauteur des « petits mordus de sport » et trouvant le ton juste, entre portraits et dossiers, belles histoires et brèves, pédagogie (sans faux-fuyants) et jeux, pour informer les enfants et instruire les parents. Lancé en septembre 2022, le bimestriel a réussi un démarrage plus qu’encourageant.
Avec un art consommé du contre-pied, la fondatrice et rédactrice en chef du magazine À fond ! raconte paisiblement l’aventure au long cours de « son » magazine, dans le calme et lumineux séjour de la maison familiale, à l’ombre de l’église de Varzy. Ni tête brûlée ni casse-cou, Myriam Alizon a eu l’intuition qu’il existait une place, dans le dense paysage médiatique, pour un titre de presse 100 % sport destiné aux enfants, quand elle travaillait pour L’Équipe Junior, il y a quinze ans. Sortie de l’Institut pratique du journalisme (IPJ) avec un master et une spécialisation en télé, la jeune Parisienne est alors recrutée pour réaliser les vidéos de cet e-journal bihebdomadaire s’adressant aux 9-14 ans. Et immédiatement lancée dans le grand bain : « Pour mes premiers reportages, on m’a envoyée aux Jeux olympiques de Pékin », se souvient-elle.
Cette première rencontre entre journalisme sportif et jeunesse tourne court. La carrière de L’Équipe Junior est fulgurante, abrégée quelques mois plus tard, en décembre 2008. Au grand dam de Myriam Alizon, qui bifurque alors vers les pages médias de L’Équipe Magazine puis vers le groupe « olympique » du quotidien, où elle brasse la natation l’été et les sports d’hiver… l’hiver. En gardant au cœur le regret de ce rendez-vous raté avec un magazine pour les jeunes : « À mes débuts, j’avais travaillé en presse jeunesse, et je croyais vraiment à ce projet. »
L’idée revient naturellement en première ligne quand, après 13 ans à L’Équipe, elle quitte le journal, juste après les JO de Tokyo, en 2021, avec son compagnon, journaliste lui aussi : « L’Équipe avait déménagé dans de nouveaux locaux et avait adopté le « flex office ». Plus personne n’avait de bureau attitré. L’ambiance d’avant avait disparu. » Avec deux enfants en bas âge, le couple qui vit à Cachan (Val-de-Marne)est aussi las du rythme de la vie francilienne et frénétique : « Je bougeais pas mal, pour mes reportages, et c’était compliqué d’organiser les plannings. ».
Direction, donc, Varzy : « Nous avions acheté cette maison en 2016, comme une résidence secondaire. On cherchait plutôt dans l’Yonne, mais on est venu visiter ici. Le coin est magnifique, vallonné. Avec le Covid, nous sommes venus vivre ici en 2020 », explique Myriam Alizon. « La qualité de vie est incomparable, et c’était plus simple de lancer la boîte d’ici. Il m’a fallu un an pour préparer le magazine, après mon départ de L’Équipe. Le premier numéro est sorti un an après. » Le lectorat ciblé, les 7-11 ans, n’est pas choisi par hasard : « C’est l’âge où les enfants ne sont pas encore trop sur un téléphone, où ils sont encore assez curieux. Quand ils sont plus grands, je ne suis pas sûre que le média du papier soit le plus adapté. »
Fondatrice et rédactrice en chef, Myriam Alizon savoure sa « liberté éditoriale », écrivant de A à Z les 60 pages de chaque numéro, réalisé avec une illustratrice et une maquettiste. Son carnet d’adresses des années L’Équipe est un vivier pour l’instant inépuisable, et pour les photos l’agence du quotidien, Presse Sports, s’est imposée comme un partenaire naturel. Si le texte d’À fond ! est « allégé », la journaliste traite les sujets avec rigueur, et ses jeunes lecteurs avec exigence : « Je veux leur donner envie de lire et de bouger. Et les sensibiliser aux valeurs du sport, le partage, la volonté. » Pas question, dès lors, d’éluder les côtés obscurs du sport : la Coupe du monde de football au Qatar a fait l’objet d’une double page sur les questions qui fâchent (le côté social, l’écologie), et le dopage ou le harcèlement sont abordés – ou le seront – frontalement.
En juin, après cinq numéros, Myriam Alizon dressait un premier bilan rassurant de son magazine, vendu sur abonnement et imprimé désormais chez Inore Groupe, à Varennes-Vauzelles : « Le CNOSF (Comité national olympique et sportif français) a abonné ses 150 classes olympiques. Beaucoup de médiathèques s’abonnent. Et le taux de réabonnement est très satisfaisant. Mon objectif, c’est d’être à l’équilibre pour les JO 2024. » Parallèlement, la créatrice d’A fond ! écrit également des livres pour la collection « sports » des éditions Milan, spécialisées dans le public jeune. « Je veux devenir la spécialiste « sport et enfance » », ambitionne-t-elle, persuadée qu’A fond ! tiendra la distance : « Je suis la seule sur ce créneau. J’ai envie d’être lue dans les écoles et les bibliothèques pour toucher un public aussi large que possible. Le côté éducatif du magazine séduit pas mal. Et on va pas mal parler de sport d’ici la JO de Paris. »
Un podcast est en projet, ainsi qu’un partenariat avec l’Education nationale, et des résidences : « Je fais plein de choses différentes, c’est très prenant. Mais c’est bien de ne pas avoir de patron », sourit Myriam Alizon, qui ne regrette pas de s’être lancée dans cette aventure avec l’appui appréciable de BGE (ex-Boutique de gestion), « une structure gratuite et présente partout qui m’a beaucoup aidée ».
Contact : www.afondlemag.fr