Les Varennes de Tinte, à Sougy-sur-Loire, abritent l’un des 17 espaces naturels sensibles (ENS) couvés par le Conseil départemental. L’un des plus secrets, aussi, puisqu’il n’est pas accessible au public. Sur 13,5 hectares de pelouses et de forêts, près de 150 espèces végétales ont été recensées, parmi lesquelles des raretés patrimoniales. Et une espèce exotique invasive, l’ailanthe glanduleux, dont l’expansion récente inquiète le Conservatoire des espaces naturels de Bourgogne, gestionnaire du site, qui a mené une opération d’arrachage, jeudi 28 juillet, avec le renfort d’agents du Département.
Il est presque 11 heures et le soleil commence à lâcher ses coups sur les Varennes de Tinte. La sueur perle au front des six agents du Centre d’entretien routier (CER) de Decize et de l’alternante du service Patrimojne naturel qui s’échinent depuis 7 heures à arracher les pieds d’ailanthe glanduleux en compagnie de Thibaud Wyon, coordinateur dans la Nièvre du Conservatoire des espaces naturels (CEN) de Bourgogne. Les arbustes longilignes aux feuilles vert vif s’accumulent en tas en contrebas du talus de la voie ferrée qui relie la scierie Bois et Sciages à la ligne Nevers-Dijon.
L’équipe veille à extirper les racines sans les casser, « sinon l’ailanthe repousse », précise Thibaud Wyon. C’est par son vigoureux système racinaire que l’ailanthe glanduleux s’est multiplié, à partir d’une dizaine de pieds mères, en quelques années. Importée d’Asie au XVIIIe siècle pour héberger la culture du ver à soie, la plante a pris ses aises un peu partout en France, au point d’être « blacklistée » parmi les espèces envahissantes exotiques. Son défaut ? Proliférer en étouffant la « concurrence » jusqu’à régner en monoculture…
« Nous avons remarqué que sa progression a été importante en deux ans », explique le coordinateur du CEN. L’appétit de l’ailanthe menace les pelouses sableuses voisines, où pousse le corynéphore blanchâtre, une espèce rare et fragile qui fait la singularité des Varennes de Tinte, entré dans la « famille » des espaces naturels sensibles (ENS) du Conseil départemental. D’où l’opération d’arrachage menée lors de la matinée du 28 juillet pour effacer du paysage les nombreux rejets d’ailanthe ; les pieds mères, eux, sont trop robustes et ancrés dans le ballast de la voie ferrée pour être arrachés.
La « guerre » contre l’espèce invasive nécessitera sans doute d’autres batailles au cours des prochaines années. En 2023, le CEN fera un sort aux pins sylvestres plantés il y a une quarantaine d’années, afin de redonner de l’air(e) aux pelouses qui dominaient jadis. Le recensement de l’avifaune nicheuse et des reptiles sera également au programme de cette année. Quant aux actions de sensibilisation et de pédagogie, qui font partie de la feuille de route du gestionnaire, elles s’annoncent prometteuses : « Nous allons rencontrer des habitants du hameau de Tinte pour créer un groupe de bénévoles, et nous avons été contactés par un professeur de SVT qui souhaite mener des projets avec ses élèves sur ce site. »