Un Nivernais sur huit a recours à l’aide alimentaire. Pour subvenir aux besoins de ces 25 000 personnes, plusieurs associations se mobilisent tout au long de l’année, sur tout le territoire. Un enjeu vital, de plus en plus complexe, et dans lequel le Conseil départemental, en tant que pilier des solidarités, souhaite prendre encore plus sa part. C’est pourquoi il a réuni les acteurs de l’aide alimentaire pour écouter leur ressenti du terrain, leurs urgences et leurs attentes.
Une détresse alimentaire et sociale qui ne connaît pas de répit
La peur de ne plus pouvoir se nourrir plane encore dans l’un des pays les plus riches de la planète. Pire, elle s’amplifie, comme l’a montré la rencontre des acteurs nivernais de l’aide alimentaire, invités par Fabien Bazin, président du Conseil départemental, à l’Hôtel du Département, mardi 18 novembre. Autour de la table, la Banque alimentaire, le Secours catholique, la Croix-Rouge, Animation Secours et Partage, l’ASEM (Acteurs solidaires en marche) et les Restos du cœur ont brossé à touches sensibles le tableau d’une détresse alimentaire et sociale qui ne connaît pas de répit.
La Banque alimentaire, qui distribue des denrées à une quinzaine d’associations caritatives nivernaises, a dressé un état des lieux concis et éloquent : « Nous avons fourni des repas à 9 500 personnes en 2024. Elles étaient 6 500 il y a cinq ans. Le souci, c’est que nous avons livré 378 tonnes en 2024, contre 461 en 2019. 3 000 personnes en plus, et presque 100 tonnes de moins, cela nous a obligé à réduire les quantités par personne. Le tonnage a baissé parce que nous avons de moins en moins de ramasse dans les magasins, et parce que les gens donnent moins. On achète 10 % de ce qu’on livre, alors qu’il y a cinq ans, c’était 0 %. Nous avons besoin de mécènes pour acheter ces tonnes que nous n’avons plus par les dons. »
Un diagnostic partagé et enrichi par les autres acteurs de l’aide alimentaire. Ainsi le Secours catholique, qui fournit des bons alimentaires et des chèques services pour les produits d’hygiène, eux aussi essentiels au quotidien, pointe les effets de la flambée du coût des énergies : « Beaucoup de ménages viennent nous voir parce qu’ils n’arrivent plus à payer leurs factures d’électricité. » Animation Secours et Partage accueille « de plus en plus de familles », où la précarité frappe « les collégiens, les lycéens », et pèse inévitablement sur la réussite scolaire. Du côté de l’ASEM, ce sont les bénéficiaires de plus de 60 ans qui ont été multipliés « par deux en cinq ans ».
Quant aux Restos du cœur, si la hausse de la demande s’est révélée moins forte sur la campagne 2024-2025, elle a fait suite à plusieurs années de forte croissance : « Nous accueillons 4 000 à 4 500 personnes dans nos 24 centres. Nous avons distribué 743 tonnes, dont 300 tonnes d’opportunités, des dons de plateformes logistiques de l’industrie agroalimentaire, ce qui nous a permis de remonter notre dotation de repas. Nous sommes surtout inquiets sur l’insertion des bénéficiaires, par exemple sur leurs problèmes de logement. »
Résorber les « zones blanches » de la solidarité
Travailleurs pauvres, familles recomposées, multigénérationnelles par la force des choses : les profils des bénéficiaires évoluent, tandis que les freins se cumulent, comme la mobilité, et donc l’accès aux lieux de distribution, ou la santé mentale. À l’écoute, aux côtés de Thierry Guyot, conseiller départemental délégué à l’insertion, à l’agriculture et à l’alimentation de proximité, Fabien Bazin a évoqué plusieurs pistes et projets : « Pour la mobilité, nous travaillons sur un service de transport à la demande à l’échelle du département. Nous avançons également sur une plateforme logistique, que nous avons appelée le Rungis rural, pour faire le lien entre les agriculteurs et la restauration collective ; elle devrait ouvrir en septembre 2026, et il sera possible d’y connecter l’aide alimentaire, sur la récupération de produits ou sur du stockage et de la livraison. On pourrait aussi mobiliser l’engagement citoyen, en s’appuyant sur les Territoires zéro chômeur, les épiceries participatives, la Bande des moins jeunes. Il faut mener une réflexion collective autour de tout cela. Nous savons que les prochaines années vont être difficiles pour le pays. »
Autre initiative portée par le Département, l’expérimentation imaginée par la direction de la Cohésion sociale avec la Banque alimentaire et France active Bourgogne a ensuite été présentée. Elle vise à résorber des « zones blanches » de la solidarité, qu’il s’agisse des personnes « en dehors des radars » de l’action sociale – et des droits afférents, qu’elles ne sollicitent pas –, des personnes non mobiles, et de celles « qui reçoivent une aide et ont besoin d’un complément ». Luzy, Decize et Moulins-Engilbert sont les trois communes retenues pour cette expérimentation qui devrait entrer dans le vif du sujet au premier semestre 2026.
Sur proposition de l’ASEM, un appel au bénévolat sera lancé parmi les agents du Conseil départemental. « Merci pour les valeurs que vous portez », a conclu Thierry Guyot. « Soyez sûrs que le Conseil départemental vous soutiendra autant qu’il pourra le faire. »






















