Ville étape pour la première fois d’une rencontre citoyenne Imagine la jeunesse, La Machine a exposé les espoirs et les limites que la ruralité dessine pour les adolescents et jeunes adultes nivernais. Entre la douceur d’une vie qui inspire tous les rêves de réussite ou d’argent et les écueils du quotidien (transports, études, accès au marché de l’emploi), le passage vers l’âge adulte a révélé ses paillettes et ses aspérités au fil d’une soirée fructueuse.
Ils sont arrivés à pied jusqu’à la salle des fêtes, en file indienne, fièrement ceints de leur écharpe tricolore d’élus au Conseil municipal des jeunes de La Machine. À eux le redoutable honneur d’ouvrir le bal du questions-réponses avec Blandine Delaporte, vice-présidente du Conseil départemental en charge du dialogue citoyen et « Madame Loyal » de l’étape machinoise, inédite, d’Imagine la jeunesse.
Intimidés, Stanislas, Maëva, Emma, Lucile, Garance, confient du bout du micro leurs rêves d’avenir, tantôt enlisés dans le « je sais pas encore », ou franchement paradoxaux (« vétérinaire ou voix de dessin animé »), ou plus classiques – pompier, médecin, agricultrice, coach d’équitation.
Après ce tour d’horizon de la frange la plus juvénile de l’assistance, Moïse, jeune adulte handicapé moteur, livre son expérience en quelques phrases simples et lumineuses : « J’ai la chance de vivre en appartement. Ça prouve que quand on veut, on peut. Mon projet de vie ? C’est « doucement, mais sûrement ». Quand on est jeune, on a des rêves. Mais quand on commence à vieillir, c’est le corps qui parle, qui le dit. Moi, je pouvais bouger. Aujourd’hui, je ne peux plus. » Ce qui ne l’empêche pas d’observer le monde du travail avec acuité : « Je vois qu’il y a pas mal de chômeurs. Comment fait-on pour les former ? Il faut nous écouter, nous donner les moyens. Mais il faut aussi qu’on se les donne nous-mêmes. »
Les moyens de leurs ambitions, tous ne les ont pas encore, mais ils rêvent en grand. Ainsi Sacha, élève de 6e : « Je veux être bien financièrement, avoir beaucoup d’argent. Mais je ne sais pas comment on fait pour trouver un métier. En fait, je n’ai pas trop de métier en tête. » Blandine Delaporte rassure : « Vous êtes en 6e, vous avez encore un peu de temps devant vous. » Justine, membre du Conseil municipal d’enfants d’Imphy, veut « avoir une belle famille, une belle maison, pouvoir (s’)acheter à manger », sans oublier les nourritures spirituelles : « Je trouve qu’il n’y a pas assez de culture. J’aime bien visiter les musées, savoir ce qui s’est passé avant, les anciens métiers. » Se voit-elle réussir sa vie dans son département ? La réponse fuse : « Oui. Avoir un bon travail, gagner assez d’argent, je pense que c’est possible dans la Nièvre. »
Fréquemment invoqué, le rêve universel d’une fortune rapide fait réagir un conseiller municipal adulte : « J’ai été jeune, je n’ai pas fait ce que j’ai voulu, j’ai commencé à la base. Les jeunes ne se rendent pas compte, il faut qu’ils comprennent que l’argent, ça ne vient pas tout de suite. Aujourd’hui, on veut beaucoup d’argent avant même de commencer à travailler. Mais plus on travaille, plus on gagne. » Du tac au tac, Léa, lycéenne « en année sabbatique », réplique : « Oui, il y a du travail, mais c’est très difficile de se faire accepter par un recruteur quand on n’a pas d’expérience. Mais si on ne nous donne pas l’occasion de travailler, comment fait-on pour acquérir de l’expérience ? »
Maman imphycoise de trois enfants de 11 à 25 ans, Christelle pointe un autre problème, plus sensible à la campagne : « Ma fille de 16 ans va entrer en CAP Boulangerie-Pâtisserie à Nevers. Elle doit faire son alternance à Coulanges : comment peut-elle être là-bas à 5 heures du matin alors qu’il n’y a pas un bus ? »
Apprenti au club de football de La Machine, Théo, 21 ans, a touché du doigt sa conception d’une vie réussie : « Le foot, la famille, être ici, c’est ce qui me rend heureux. J’ai la chance d’avoir été pris en apprentissage, ça demande des efforts au club, ce qui n’est pas possible partout. Mais je n’ai aucune certitude pour mon avenir ici. Mon projet de vie est autour du sport, si possible dans la Nièvre. » Collection de témoignages de jeunes nivernais, le film diffusé en préambule fait écho à ses interrogations : « Les jeunes sont tristes, on le voit. Peut-être qu’ils ne s’épanouissent pas. »
Frère et sœur, Félicie et Dorian confient à deux voix leur attachement pour leur département, et le sentiment qu’il faudra en partir : « On est bien à la campagne, il n’y a pas de pollution, on peut se balader en forêt. Ça ne sert à rien de détruire les arbres pour faire des parkings, des magasins, des immeubles. » Un plaidoyer sans le savoir pour le « zéro artificialisation nette » qui rend l’idée d’exil douce-amère. Félicie : « Pour être heureuse, je devrai partir d’ici parce que je veux être footballeuse, et ce n’est pas simple d’en faire son métier dans la Nièvre. » Dorian : « Je veux être policier motard. Mais il n’y a pas beaucoup de méchants dans la Nièvre, alors je devrai partir là où il y a des méchants. »