Ancien rugbyman professionnel, passé par Grenoble, Bourgoin-Jallieu et Nevers, et par l’équipe de France à VII, dont il fut capitaine, Nicolas Carmona a retrouvé, à 44 ans, l’atmosphère unique du haut niveau en participant à la World Cup Classic, en novembre dans l’archipel paradisiaque des Bermudes. Une fabuleuse épopée pour l’Isérois qui a posé ses valises dans la Nièvre, où il travaille en tant qu’agent du Conseil départemental, au Centre d’entretien routier de La Charité-sur-Loire. Toujours affûté, le co-entraîneur de Pougues-La Charité (Régionale 3) s’était préparé pour « sa » coupe du monde en rechaussant les crampons avec ses joueurs.
Passé en quelques jours de la Nièvre aux Bermudes, des joutes obscures de la Régionale 3 à un match contre l’Afrique du Sud, Nicolas Carmona a vécu en novembre une palpitante prolongation de sa carrière de rugbyman professionnel, refermée il y a une dizaine d’années. À 44 ans, l’entraîneur-joueur de Pougues-La Charité a en effet rejoint l’équipe de France « Classic » (l’appellation plus glamour des vétérans) à Paris, fin octobre, pour rallier l’archipel au large de la côte est des Etats-Unis, cadre idyllique et historique de la World Cup Classic.
Climat tropical, hôtel de luxe avec son spa aménagé dans une grotte, déplacements en scooter sur une île cossue prisée de la jet-set mondiale, et, sur le terrain, du beau jeu face aux Italiens, vaincus en quarts de finale, avant une demi-finale de prestige face aux Sud-Africains et leur casting cinq étoiles mené par le champion du monde 2007 Ruan Pienaar (88 sélections) : l’expérience ressemblait à la définition parfaite d’une parenthèse enchantée pour Nicolas Carmona, avant son retour à l’austère automne nivernais et à la « vraie vie » d’agent du Conseil départemental au Centre d’entretien routier de La Charité-sur-Loire.
« J’avais fait quelques matches en 2018 et 2019 avec l’équipe de France Classic. J’étais content d’y retourner, on y rencontre des mecs super. L’état d’esprit est formidable », expliquait-il quelques jours plus tard dans les locaux du Centre d’entretien routier. « C’était la première fois que je participais à la World Cup Classic, qui a lieu tous les ans aux Bermudes. Le site est magnifique, on a bien profité. » Et côté rugby ? « Le niveau était très haut, dans l’intensité, les contacts. Face aux Sud-Africains, qui avaient aligné une grosse équipe, on a tenu la première mi-temps, puis on a craqué. »
« Génial de pouvoir continuer à jouer »
La défaite (46-16) face aux futurs vainqueurs de la compétition n’a pas gâché l’aventure ni les retrouvailles avec le rugby de haut niveau : « C’était une expérience humaine très forte. J’espère revenir aux Bermudes en novembre 2025 ; on a déjà un match prévu en juin, près de Bordeaux. C’est génial de pouvoir continuer à jouer, de partir à l’autre bout du monde. On est vraiment des privilégiés. »
Soucieux de n’être ni blessé ni dépassé, Nicolas Carmona s’est préparé pour l’événement avec ses joueurs de Pougues-La Charité : « Je me suis entraîné et j’ai joué avec eux pendant plusieurs semaines. J’aime bien faire les choses à 100 %. » Une exigence forgée durant sa carrière de rugbyman professionnel, dans laquelle il est arrivé presque par accident : « Paradoxalement, je n’ai jamais eu trop envie de devenir pro ; du moins, ça ne m’a pas pris très tôt. »
Enfant de La Mure, en banlieue de Grenoble, il n’est pas venu au rugby pour imiter les « grands » du FC Grenoble, un club historique habitué aux sommets : « C’est mon père, Bernard, qui m’a donné envie de jouer. Il était passionné, et joueur. J’ai fait mon premier entraînement à cinq ans ; ça a commencé comme ça. Il a été mon entraîneur pendant mes premières années. Sa passion était communicative. J’ai pratiqué plein d’autres sports, mais le seul que j’aie fait en club, c’est le rugby. J’ai toujours apprécié ce sport complet, où il y a besoin des pieds et des mains. C’est un sport très complémentaire, qui rassemble tous les gabarits, tous les caractères. Il y a une solidarité, une humilité qui m’ont toujours plu. J’aime cet aspect collectif ; je n’aurais jamais pu faire un sport individuel. Le rugby a formé mon caractère, il m’a formé en tant qu’homme. »
Ce qui aurait pu ne rester qu’un sport pratiqué en amateur prend une autre dimension à l’adolescence. À son aise dans tous les postes de trois-quarts, de la mêlée à l’arrière, notamment grâce à sa vitesse et à la qualité de ses appuis, Nicolas Carmona est retenu dans les sélections régionales, et ne tarde pas à être repéré par les responsables du centre de formation grenoblois : « Le FCG voulait que je vienne faire les tests de sélection, mais j’hésitais. En fait, c’est mon meilleur copain, Julien Carraud, qui nous a pris un dossier. On a été convoqués tous les deux pour les tests. À l’époque, Grenoble était en Top 16, et il y avait des centaines de candidats. Je ne me suis pas pris la tête, et j’ai passé les étapes : on s’est retrouvé cent, puis cinquante, puis six. On a été pris tous les deux, Julien et moi. J’étais très heureux de me retrouver dans un des meilleurs centres de formation français. Je n’ai jamais ressenti de pression négative, je donnais tout aux entraînements, en match, et en parallèle, je préparais un diplôme de force de vente. Mon père a toujours été fier de moi, il m’a accompagné sereinement et positivement. »
Le plaisir intact du jeu
De son premier match avec les « grands », à 20 ans, jusqu’à son dernier contrat à Nevers, où l’entraîneur Guillaume Jan, qu’il avait côtoyé à Chalon-sur-Saône, le convainc de signer, la carrière de rugbyman professionnel a illuminé la vie de Nicolas Carmona : « Je suis très fier de ce que j’ai fait. J’ai toujours donné le meilleur de moi-même, et je n’ai aucun regret. J’aurais sans doute pu faire bien mieux, mais aussi bien pire. J’ai pu vivre de ma passion, et je suis toujours resté dans l’état d’esprit du jeu, dans le plaisir. »
Il transmet désormais cette philosophie aux joueurs de Pougues-La Charité, qu’il a rejoint cette saison pour entraîner aux côtés de Thomas Mailhabiau : « On a un groupe d’une trentaine de seniors. J’essaie de véhiculer ma passion, mes valeurs, tout en amenant mon bagage technique, pour que les joueurs prennent du plaisir et s’éclatent sur le terrain. » Descendu en Régionale 3, le plus bas échelon du rugby, le club aspire à se reconstruire, et a sollicité Nicolas Carmona pour l’y aider : « L’an dernier, j’ai fait une saison de tennis, à Guérigny. J’avais besoin d’une coupure. L’objectif est d’emmener le club en Régionale 1, voire en Fédérale 3. Il faudra qu’on renforce le groupe en quantité et en qualité, mais le club fait beaucoup d’efforts pour cela. On a un noyau solide, il faut qu’on accroche la nouvelle génération. »
Les trois matches d’une vie
Parmi les plus de 300 matches disputés par Nicolas Carmona, trois ressortent naturellement à ses yeux.