C’est bientôt reparti pour un demi-siècle. Le Conseil départemental de la Nièvre et Voies navigables de France signeront, début 2025, une nouvelle convention de concession de 50 ans pour le long secteur du canal du Nivernais qui relie Cercy-la-Tour et Sardy-lès-Épiry. Cet engagement sur la durée, dans la continuité d’une concession signée en 1972, permettra d’envisager sereinement l’avenir touristique et patrimonial de ce « bien commun des Nivernais », comme l’a souligné Fabien Bazin, président du Conseil départemental, lors d’une rencontre à Châtillon-en-Bazois.
Pour le Département de la Nièvre, qui s’est engagé au début des années 1970 pour la survie de ce vivant patrimoine historique, le canal du Nivernais est bien plus qu’un « simple » canal ; il est un des marqueurs forts de l’identité du territoire, et l’un de ses plus beaux ambassadeurs.
En 1972, la convention de concession signée avec Voies navigables de France – VNF, le bras armé fluvial de l’État – permettait à la collectivité d’entretenir et de valoriser le secteur de 58 km entre Cercy-la-Tour et Sardy-lès-Épiry, qui recèle plusieurs merveilles du canal, dont le site de Fleury à Biches, les voûtes de La Collancelle, l’étang de Baye et l’échelle de 16 écluses de Sardy. La concession d’un demi-siècle, prolongée de trois ans, arrive à échéance fin 2025. Au terme de longues négociations avec VNF, la concession pour 50 ans supplémentaires est en (bonne) voie de finalisation, et devrait être signée au début de l’année prochaine.
Fabien Bazin, président du Conseil départemental, l’a annoncé lors d’une rencontre avec les acteurs institutionnels et associatifs du canal (1), dans le Centre d’entretien et de navigation de Châtillon-en-Bazois. « Le canal est un bien commun pour notre département. Grâce à cette convention, nous aurons davantage de lisibilité sur les travaux qu’il faudra mener, et notamment sur la question des maisons éclusières. Cette lisibilité est aussi importante pour les investisseurs, qui pourront se projeter sur le long terme. Nous avons un demi-siècle devant nous, c’est un vrai luxe en termes de politique publique. »
Construit aux XVIIIe et XIXe siècles, mis en service en 1841, le canal du Nivernais est un auguste monument de génie civil qui nécessite un entretien permanent. Alain Herteloup, vice-président en charge des infrastructures, a détaillé les 800 000 € de travaux réalisés par le Département en 2024, dont la moitié pour la restauration des écluses, des berges et des biefs. Une somme équivalente est d’ores et déjà prévue pour 2025. Un important engagement financier récompensé : « Sur la partie concédée au Conseil départemental, il a été possible de naviguer pendant toute la saison. C’est une vraie richesse », relève Jean-Louis Lebeau, président du Syndicat mixte d’équipement touristique (SMET) du canal du Nivernais, évoquant l’impact des crues de juin côté Yonne, et l’interruption de la navigation entre Cercy et Saint-Léger-des-Vignes pendant plusieurs mois.
Au quotidien, les agents du Conseil départemental auscultent la partie concédée du canal, sa Véloroute et ses abords, pour détecter les signes de faiblesse. « Un canal est une structure complexe qui nécessite une intervention experte et pointue », souligne Stéphanie Robinet, directrice générale adjointe de l’Aménagement et du Développement des territoires. « Pour schématiser, c’est un tuyau rempli d’eau, et il faut faire en sorte qu’il ne fuie pas trop. »
Seul canal bourguignon à avoir traversé les grandes vagues de sécheresse de 2022 sans être contraint de stopper la circulation des bateaux par manque d’eau, le canal du Nivernais n’en finit pas de fasciner. Les cinéastes, qui l’ont choisi comme cadre de leur tournage pour La Petite Vadrouille (2023) et Les Enfants de la Résistance (2024), et surtout les touristes, qui en font le deuxième canal le plus fréquenté de France, après le canal du Midi. Martine Gaudin, présidente de Nièvre Attractive, a dressé le bilan d’une saison touristique 2024 « légèrement inférieure à la précédente en raison d’une météo très mauvaise en juillet ».
Près de 43 000 passages de cyclos ont été enregistrés (- 11%) durant la saison de navigation, d’avril à octobre, tandis que la grosse avarie sur le barrage de Cercy-la-Tour a réduit d’un tiers le flux des bateaux (3 145 passages d’écluse). L’intérêt pour le canal ne reflue pas pour autant, comme le montre la hausse des visites dans les offices de tourisme (+ 20 %), sur le site internet et les réseaux sociaux dédiés, ainsi que les 38 nouvelles prestations relevées en 2024 (meublés, gîtes, restaurants, activités).
Jean-Philippe Pannier, président de la Fédération départementale de pêche, a salué à son tour le renouvellement de la concession avec VNF : « Le canal est un site important pour nos 18 000 adhérents. Depuis 2017, nous avons créé plusieurs aménagements sur le contre-halage, et des parcours labellisés. L’activité est assez forte. Nous défendons cette voie d’eau à chaque occasion ; elle représente une chance formidable pour notre département. On pourrait même imaginer d’y organiser de grands rassemblements, des spectacles. »
De plus en plus fréquentée, cette voie royale du développement économique doit rester fréquentable, et régler pour ce faire plusieurs points noirs : le manque de services (commerces, restauration, dépannage) dans les portions les plus rurales, les incivilités, et l’élimination des déchets.
Il fallait aussi un guide du bon usage commun, pour fluidifier la coexistence des diverses populations qui se croisent sur le canal et ses abords : plaisanciers, agents d’exploitation, cyclistes, randonneurs, pêcheurs, etc. Ce manque sera prochainement comblé, grâce aux services du Conseil départemental, qui élaborent un Guide des usagers du canal du Nivernais, avec les différents partenaires.
1. Étaient également présents les conseillères départementales Michèle Dardant et Anouck Camain, et Luc Detanger, adjoint au chef de l’Unité territoriale d’itinéraires Nivernais-Yonne de Voies navigables de France.