Comment changer la vie et l’avenir d’Authiou, village de 45 habitants posé sur les plateaux du Nivernais central ? À l’initiative du président du Conseil départemental, Fabien Bazin, et du maire, Pierre de Becque, 130 élus, spécialistes nivernais de l’ingénierie et habitants se sont retrouvés à la Bergerie de Soffin, carrefour des arts et de l’engagement social, vendredi 4 octobre, pour une journée d’échanges et de réflexion. Un joyeux laboratoire éphémère dont les propositions alimenteront la « vision » Authiou 2030.
Authiou, 45 habitants et un « phare » artistique, la Bergerie de Soffin, s’est lancé le défi d’augmenter sa population d’ici 2030. Mais pas seulement. Initié par le maire Pierre de Becque, le projet, sobrement intitulé Authiou 2030, ne veut pas simplement repeupler ce village planté à dos de plateau entre Prémery et Corbigny ; il ambitionne de répondre aux besoins de ses habitants et aux défis du XXIe siècle.
Illustration d’une ruralité qui tord le cou du déclinisme et envoie le fatalisme aux orties, Authiou 2030 ne pouvait qu’être encouragé et accompagné par le Conseil départemental. Alors son président, Fabien Bazin, a déclenché la « mobilisation générale de l’ingénierie nivernaise », vendredi 4 octobre, pour une journée d’échanges et d’ateliers concrets autour de grands thèmes : l’accueil de nouveaux habitants, les déplacements, la culture, l’autonomie énergétique et la participation citoyenne.
« La résignation n’est pas notre sujet quotidien »
À son échelle, Authiou symbolise le sursaut vital de la Nièvre, comme l’a rappelé en introduction Pierre de Becque : « Il est temps de se mobiliser. La Nièvre comptait 350 000 habitants à la fin du XIXe siècle ; nous sommes 200 000 aujourd’hui. La vision Authiou 2030, c’est celle d’un élu qui gère le quotidien mais garde un œil sur l’avenir. Et des Authiou, il y en a des dizaines dans la Nièvre. » Le village, qui a déjà gagné une dizaine d’habitants en quelques années, vise sans complexe de passer le cap des cent en 2030.
Une démesure qui plaît à Fabien Bazin : « Le défi est à la hauteur des slogans comme « c’était impossible et c’est pour ça qu’ils l’ont fait » ou « prière de ne pas déranger ceux qui essaient ». Pierre de Becque est un élu un peu particulier, qui a réussi par exemple à faire la rénovation totale de son église. Il prouve qu’on peut rêver, faire, et fabriquer. Cela tombe bien, la résignation n’est pas notre sujet quotidien, au Département. En 2004, nous avions inventé les Villages du futur. Et cela a fonctionné. Mais pour les communes de moins de 1 000 habitants, le modèle n’existe pas. Alors on va essayer de le créer, ce modèle, en partant de l’exemple très concret d’Authiou. »
Dans le cadre stimulant de la Bergerie de Soffin, lieu de vie et de création porté depuis plus de 25 ans par les danseurs et chorégraphes Alfred Alerte et Lucie Anceau, la fine fleur de l’ingénierie nivernaise a cogité, avec des conseillers départementaux et des habitants, sur les thématiques de la « vision » Authiou 2030. Le village est à l’écart des grands axes routiers et des lignes de cars ? Un atelier s’est penché sur les autos sans permis en libre service, les « Authiou Lib » imaginées par Pierre de Becque sur le modèle des Autolibs parisiennes. L’autonomie énergétique ? Le photovoltaïque au sol est un scénario – le seul, face au rejet des éoliennes – sur lequel ont planché les spécialistes des énergies, sur fond d’autoconsommation collective.
Chorégraphie du cœur et de la raison
Le principal enjeu reste d’attirer des habitants, de jeunes familles idéalement. La mise en vente d’une vaste exploitation agricole du hameau de Soffin a été le déclencheur d’Authiou 2030, comme l’a rappelé le maire : « On a acheté deux lots qui nous intéressaient, une stabulation et une parcelle de 1,8 hectare, qui sert notamment de parking pour le festival de la Bergerie de Soffin. On pourrait y installer des ombrières photovoltaïques, par exemple. »
Une ferme, toujours en vente, est aussi dans le viseur communal, pour accueillir des jeunes artisans dans un habitat « écologique », un concept rêvé à voix haute par Pierre de Becque : « Il pourrait y avoir jusqu’à vingt personnes. On utiliserait des containers recyclés en résidences, comme cela se fait à Rotterdam. Ce qu’on veut, c’est faire revivre le village avec des forces vives, des ménages qui non seulement vivent à Authiou mais y travaillent. »
Accueil d’une collection d’art, gîte, restaurant, etc. : les pistes ne manquent pas pour Authiou 2030. Les développeurs réunis ont passé l’utopie et les envies au tamis du tangible et du possible. Un exercice familier pour eux, dont le quotidien consiste à faire coïncider les projets, et parfois les rêves, des collectivités avec la réalité froide des finances. Exemple brillant d’une utopie réalisée, embarquant les visiteurs du jour dans le charme de son atmosphère de phalanstère échevelé parfaitement organisé – l’imposante fiche technique des toilettes sèches… –, la Bergerie de Soffin était le cadre idéal pour cette chorégraphie du cœur et de la raison. La conclusion ne pouvait qu’être dansée, par Alfred Alerte, Lucie Anceau, Benjamin Flament, l’ami musicien de la Grange de l’Oiseau Bleu venu d’Arthel en voisin, rejoints sur scène par des spectateurs pour une sarabande improvisée. Une douce euphorie pour finir, avec les mots justes d’Alfred Alerte : « Ce que vous proposez à notre population est un gage de bonheur, de sérénité et de plaisir. »