Acteur central de l’autonomie des personnes âgées et handicapées, le Conseil départemental de la Nièvre a rassemblé ses partenaires, institutionnels, associatifs ou privés, pendant deux journées vivifiantes, à Châtillon-en-Bazois, les 26 et 27 septembre. Plus de 200 personnes se sont retrouvées pour débattre et, surtout, envisager l’avenir. Entre la nécessité de mieux se connaître pour coopérer et l’invitation à expérimenter, ces 3es Journées départementales de l’autonomie ont ébauché des pistes enthousiasmantes et semé l’envie d’oser.
Avec 140 personnes le premier jour, et 120 pour le second, les 3es Journées départementales de l’autonomie ont manifestement répondu à une attente des multiples acteurs des secteurs social, médico-social et sanitaire : lever la tête du guidon pour échanger, dialoguer, bref, se connaître. À en juger par la richesse des débats et l’attention soutenue durant ces deux jours, il semble acquis que ce rendez-vous inspirera des partenariats féconds, de nouvelles habitudes de travail au bénéfice des usagers mais aussi des professionnels.
« L’information est de plus en plus abondante, et rapide. Comment le Conseil départemental peut-il prendre sa place dans cette nécessité de l’interconnaissance ? », interroge Marianne Girard, directrice de l’Autonomie du Département, qui a orchestré les débats avec un efficace mélange d’humour, de spontanéité, de rigueur et de précision. « Il faut que nous arrivions à tous devenir les ambassadeurs de ce que font les autres. »
Une « jungle » d’interlocuteurs et d’acronymes
Le partage d’expériences s’est donc imposé comme le fil rouge naturel de ces deux journées intenses, où les débats ont également fait la part belle à l’un des maux du monde de l’autonomie : son accès rébarbatif, voire impénétrable, pour les usagers qui se retrouvent confrontés, parfois brutalement, à l’entrée dans le handicap ou le grand âge. « Avec la multiplicité des interlocuteurs et des acronymes, l’autonomie est un monde obscur, une jungle », résume Marianne Girard, dédale sinueux du « qui fait quoi » à l’appui en vidéo-projection. « Pour une personne qui a un besoin immédiat, il est compliqué de s’y retrouver, d’autant plus qu’il n’y a pas de guichet de référence. Alors c’est la logique de la débrouille, du recours à l’entourage, au réseau de proximité. »
Une étude menée en 2023 sur le handicap livre un résultat édifiant : 25 % des personnes interrogées n’ont pas pu accéder aux soins, et 19 % ont préféré abandonner les soins, dissuadés par la complexité des démarches ou le décalage entre l’éligibilité à une prestation et le versement de celle-ci. La responsable d’une maison France Services abonde : « Pour faire un dossier de reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, par exemple, c’est un vrai parcours du combattant. Et pour une case mal cochée, la personne se retrouve avec six mois voire un an de retard. Il faudrait quelque chose de centralisé, et accessible. » Un guichet unique ? « Cela fait 30 ans qu’on en parle, et on n’a toujours pas la solution. Même nous, les professionnels, on s’y perd encore. »
Des ébauches de guichet unique existent, pourtant ; ces nouveaux dispositifs mis en place récemment sont présentés : la Communauté 360, une « plateforme de coordination destinée aux usagers, aux aidants et aux professionnels », qui combine numéro Vert (0 800 360 360) et présence sur le terrain de deux agents pour « aider les personnes à faire un choix éclairé, en autodétermination », et le Dispositif d’appui à la coordination (DAC), qui élabore des plans personnalisés pour les personnes souffrant de « problèmes de santé complexes ». Là encore, un seul numéro de téléphone (03 86 21 70 90), et un interlocuteur unique, le « coordonnateur de parcours » : « Le service est gratuit, l’équipe est pluridisciplinaire ; le patient est le grand gagnant, son entourage aussi. »
Autre service insuffisamment connu, la plateforme de répit et d’accompagnement des aidants est mise en lumière à son tour. Basée au Centre social de Moulins-Engilbert (1), elle rayonne sur l’ensemble du département, apportant une aide et surtout un soulagement aux conjoints, enfants ou proches de personnes âgées ou en situation de handicap. Des aidants qui s’ignorent, et qui ne se ménagent pas, absorbés par l’attention qu’exige l’état de la personne aidée : « On est assez rarement alertés par les aidants eux-mêmes, parce qu’ils ne se reconnaissent pas comme aidants », explique une responsable. « On leur explique que des professionnels peuvent les aider, qu’ils peuvent lâcher prise, aller par exemple à leurs propres rendez-vous médicaux. Un tiers des aidants meurent avant la personne aidée, par manque de soins. On leur propose un accompagnement psychologique, mais aussi des moments de répit, durant lequel l’aidé va dans un accueil collectif, ou un accueil de jour. Cela peut être aussi un hébergement temporaire en EHPAD, si l’aidant est très fatigué. » La plateforme vient aussi en aide aux parents d’enfants autistes. 300 personnes ont déjà bénéficié de ses services en 2024 ; elles étaient 250 en 2023.
« L’autonomie rêvée » en ateliers
Après une première journée consacrée à l’accompagnement des usagers, la seconde s’est penchée sur l’autonomie à domicile, autrement dit le « bien vivre chez soi ». Et ce, quel que soit son âge ou son handicap. Le principe semble frappé du sceau de l’évidence, mais chacun sait qu’il n’en est rien : « Quand l’aide et le soin ne sont pas portés par les mêmes acteurs, cela peut être très angoissant pour quelqu’un qui retrouve son domicile après une hospitalisation », pointe Marianne Girard.
La création de services d’autonomie à domicile (SAD), initiée par le gouvernement en 2022 pour répondre à la « fragmentation » des structures d’aide et de soin à domicile, est un vaste chantier dans lequel la Nièvre est déjà entrée : « C’est assez facile sur certains secteurs, parce qu’une structure unique porte déjà l’aide et le soin. Pour les autres, c’est plus compliqué. »
Les directeurs des centres sociaux de Château-Chinon et de Moulins-Engilbert ont raconté leur modus operandi de l’aide et du soin à domicile, pilotés au sein d’une seule et même structure, tandis que la responsable du Centre communal d’action sociale de Nevers a mis en lumière les enjeux et bénéfices d’activités intergénérationnelles réunissant les jeunes – des quartiers Politique de la ville, essentiellement – et les aînés.
Passé le temps du diagnostic, place à l’imagination, au lâcher de bride, durant un après-midi d’ateliers où « l’autonomie rêvée » a inspiré la réflexion par petits groupes, en partant de « cas » concrets – Germaine, François, Henri –, eux aussi inventés, mais partant de situations réelles. Mobilité, solidarité, citoyenneté, solitude, etc. : les grands enjeux concepts ont accouché de solutions plus ou moins utopiques, conçues puis partagées avec une énergie revigorante.
« On a davantage mobilisé que lors des deux premières éditions », note Marianne Girard en conclusion. « Les thèmes de ces deux journées les ont convaincus de venir. D’après les premiers retours à chaud, les gens sont contents de s’être rencontrés. Cela montre que l’interconnaissance est essentielle ; les acteurs de l’autonomie ont besoin de temps humain comme celui-ci, davantage encore que de newsletters qui ont une chance sur deux d’être lues. »
Loin d’être une fin en soi, ces Journées départementales invitent la collectivité à susciter, à son tour, des espaces de rencontre : « Nous pourrions faire de nos Sites d’action médico-sociale des lieux d’animation, de connaissance du territoire. »
(1) 0 805 280 209 (numéro Vert) ou pfr.aidants.58@gmail.com