Plusieurs centaines de personnes ont participé, mercredi 26 juin, à la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Dun-les-Places. Parmi elles, des membres des familles des vingt-sept hommes fusillés le 26 juin 1944, lors d’une opération de terreur menée par les nazis et leurs complices miliciens. De l’église, théâtre de la plupart des exécutions, au mémorial minéral dominant le cimetière, le souvenir de ces heures noires a étreint le bourg morvandiau.
La cérémonie s’achève et les habitués de la commémoration du 26 juin 1944 s’arrêtent devant Raymonde Joyot, lui prennent la main et lui glissent quelques mots en s’inclinant avec chaleur ou déférence. Le rituel fait naître un sourire au milieu des larmes de sa fille Martine, qui se tient à côté d’elle dans le cimetière de Dun-les-Places. À 98 ans, bientôt 99, la nièce de Félix Pichot, l’un des 27 hommes fusillés il y a 80 ans, fait partie des derniers témoins de ces jours d’horreur De ceux que l’on regarde intensément, comme les survivants d’un crash aérien, d’un accident de train, d’une tragédie hors normes.
« Elle a aidé à nettoyer les corps », souffle sa fille d’une voix étranglée par une émotion toujours aussi forte, malgré le temps passé. Des maris, des pères, des fils, des frères, des voisins, fauchés à la mitrailleuse devant l’église puis disloqués à la grenade : la vision du carnage restera dans la tête de « Bichette », le surnom de Raymonde Joyot, jusqu’à son dernier souffle. « Elle n’était pas très bien ces derniers temps. Dès qu’arrive juin, elle ne pense qu’à ce jour », confie Martine, qui a accompagné sa mère devant les sépultures du mémorial érigé au haut du cimetière. Un double alignement de dalles de pierre, chacune marquée d’un nom et ornée pour l’occasion d’un bouquet de fleurs. Elles se sont arrêtées, brièvement, devant la sépulture de Félix Pichot qui, comme les autres hommes restés au village ce 26 juin 1944, avait eu le malheur d’être au mauvais moment au mauvais endroit.
Comme elles, des centaines de personnes ont cheminé lentement dans le mémorial. Des écoliers de Dun et de Brassy, des collégiens de Lormes et d’Auxerre, des habitants du village, du Morvan, des élus. La fanfare de la Lyre donziaise ponctue de Marseillaise, de Chant des partisans et de Sonnerie aux morts une cérémonie commencée un peu plus tôt devant l’église, près du monument érigé en mémoire des fusillés.
Dans la foule, Françoise Bauer, venue de Sens avec son fils Frédéric, était arrivée en début de matinée, pour l’office religieux. « Je viens toujours les 26 juin », explique, émue, la fille de Camille Bachelin, dont le père et le frère ont été assassinés devant l’église. « Mon père n’en parlait pas beaucoup, et ma grand-mère n’en parlait pas. » Malgré le silence, les non-dits, les événements ont imprégné l’histoire familiale, selon Frédéric : « J’ai su très tôt, tout petit, ce qui s’était passé. Tous les enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, on est tous venus ici. »