Ouvert en 1983 à Saint-Brisson, sous l’impulsion d’historiens et d’anciens chefs de maquis, le musée de la Résistance en Morvan est au cœur des commémorations du 80e anniversaire de la Libération et du souvenir des villages martyrs. Le deuxième site le plus visité du Morvan, après Bibracte, n’est pas un simple lieu de mémoire, comme le rappelle avec force sa directrice, Aurore Callewaert : « Le musée n’est pas là pour commémorer, mais pour expliquer le présent. » Au fil des salles, des témoignages, des images et des objets, de la genèse de la Seconde Guerre mondiale à l’armistice et à l’après-guerre, c’est la vie des Morvandiaux sous l’Occupation que découvrent les visiteurs, l’omniprésence des nazis, la menace poisseuse des miliciens, la collaboration, les privations. Et, comme une trouée dans les nuages, la résistance, qui s’accroche aux pentes et aux forêts de cette « terre rebelle » et se révèle au grand jour durant l’été 1944. Un été de bruit et de fureur dont les Chemins de mémoire suivent les traces dans tout le territoire.
Si l’Histoire est rythmée par l’éternel cycle de l’ombre et de la lumière, de la guerre et de la paix, bercée par le flux et le reflux sans fin du bonheur et de l’horreur, le musée de la Résistance en Morvan est depuis plus de quarante ans le précieux gardien de ces heures où l’engagement de quelques-uns a rallumé l’espoir au fond de la nuit. En quelques salles à l’étage d’un vieux corps de ferme de Saint-Brisson, par-delà la chronique des années de guerre, de la montée du nazisme sous le regard passif des vieilles démocraties européennes à son écrasement en 1945, il est surtout question de valeurs et de transmission, aux scolaires comme aux adultes qui fréquentent chaque année le musée (voir encadré).
« Un musée de la Résistance n’est pas neutre », insiste Aurore Callewaert, directrice du musée depuis 2007. « Comme disait Lucie Aubrac, « résister se conjugue au présent ». Ce qu’on montre ici, c’est l’engagement, la désobéissance de ceux qui se sont battus pour des valeurs. C’est important de le rappeler. Que ce soit ici, ou au Mémorial de Dun-les-Places ou sur les Chemins de mémoire, l’enjeu est : se souvenir et comprendre. »
Terre de maquis, avec sa géographie de collines et de forêts et son histoire de luttes, le Morvan a attendu les années 1970 pour véritablement entamer le travail sur la Seconde Guerre mondiale : « C’est l’époque où les anciens chefs de maquis, comme Jean Longhi ou Louis Aubin, et les résistants se retrouvent à la retraite. Ils se rencontrent, avec les historiens de l’université de Bourgogne, comme Marcel Vigreux et Jean-René Suratteau, ex-résistant et professeur d’histoire. On collecte les témoignages, les objets. La première exposition, en 1979, attire 20 000 visiteurs et montre qu’il y a un intérêt. C’est l’époque aussi où l’extrême droite commence à monter, le négationnisme aussi. L’idée de faire un musée de la Résistance en Morvan s’impose, et François Mitterrand alloue des crédits pour sa création. »
Le président de la République l’inaugure en 1983, après s’être recueilli à Dun-les-Places, village martyr. « C’est une vieille terre rebelle que celle-ci. On le comprend assez bien quand on en voit les contours, quand on observe son relief, quand on a l’occasion de pénétrer dans sa forêt. Nature rebelle, hommes rebelles. On l’a toujours été. Sans remonter très loin, des Morvandiaux étaient déjà résistants en 1814 à la fin des guerres napoléoniennes et des premières occupations. Résistant, le Morvan l’a été en 1870 et 1871 avec déjà des maquis qui tentaient de barrer la route aux Prussiens comme on disait. Résistants en 1940, nous allons en parler. Sans oublier d’autres formes de résistance pour une certaine conception de la liberté de l’homme, qui a vu le Morvan et bien au-delà du Morvan toute une partie de la Nièvre, se soulever à l’annonce du coup d’Etat de 1851. »
Depuis l’ouverture, le musée et l’association qui le porte depuis l’origine, l’ARORM (1), perpétue la mémoire vive de cette période qui fascine encore les chercheurs, comme un doctorant en archéologie contemporaine penché sur les traces des maquis, ou un géographe sur celles laissées dans les villages martyrs. Les commémorations du 80e anniversaire de la Libération et du souvenir des villages martyrs s’inscrivent dans un climat lourd, qui émeut Aurore Callewaert : « Comment est-ce qu’on célèbre la résistance dans un contexte où le vote pour un extrême est aussi haut, où le rejet de l’autre est aussi fort ? On sent une déconnexion avec l’histoire des années 30, une banalisation des propos radicaux. On le sent aussi dans nos visites, plus qu’avant. On n’est pas là pour commémorer, mais pour expliquer le présent. On parle de la collaboration, des miliciens, de la déportation, des listes qui ont été établies par la gendarmerie. Tout n’arrive pas par hasard. »
1. Association pour la recherche sur l’Occupation et la résistance en Morvan, devenue Morvan Terre de résistances-ARORM en 2014.