Ils sont passés des pages de leur livre d’histoire aux monts du Morvan, se sont glissés dans les trous où se cachaient les maquisards, ont été pétrifiés par l’émotion dans le village martyr de Dun-les-Places. Puis ils ont raconté la Résistance avec leurs mots d’adolescents. Depuis plusieurs années, à l’initiative de leur professeur d’histoire Adeline Cortot, les élèves de 3e du collège Claude-Tillier (Cosne-sur-Loire) étudient la séquence du programme sur la Seconde Guerre mondiale avec une intensité singulière, entre voyage dans le Morvan et écriture de lettres de maquisards. Une immersion bouleversante.
Certains de ses anciens élèves lui disent que le voyage fut le plus marquant de leurs années collège. « L’année après le Covid, le voyage a failli ne pas se faire, il n’y avait pas beaucoup de volontaires. Ce sont les grands frères et les grandes sœurs de nos élèves qui les ont secoués en leur disant qu’il fallait absolument y aller ; ils ont sauvé le voyage » , se souvient Adeline Cortot, professeur d’histoire au collège Claude-Tillier. Le voyage dans le Morvan organisé par l’enseignante (et par Mathieu Goury, professeur d’EPS) depuis son arrivée dans le collège cosnois est pourtant devenu un événement que les élèves de 3e et leurs familles ne manquent qu’en cas de force majeure.
Terre de maquis, le Morvan s’est imposé comme une destination naturelle pour appréhender certains aspects de la Seconde Guerre mondiale : « Elle est au programme de l’année de 3e, avec la France occupée et la Résistance. Les deux guerres mondiales intéressent les élèves, c’est concret pour eux. Et en géographie, nous avons un chapitre sur les territoires à faible densité, auquel le Morvan se prête parfaitement. »
Alors, chaque année, en mars, une quarantaine d’élèves de 3e traversent la Nièvre d’ouest en est pour deux jours d’immersion dans la mémoire des maquis, avec Adeline Cortot, Mathieu Goury, professeur d’EPS passionné par la Résistance, et des accompagnateurs. Avant de rejoindre le Morvan, le groupe commence par une étape à Moussy, près de Saint-Révérien, sur les traces du maquis Mariaux et d’Albert Graillot, l’un de ses acteurs et plus fidèles transmetteurs aux jeunes générations. Rencontre avec le maire et le président des anciens du Maquis Mariaux, recueillement devant la stèle, visionnage d’un DVD d’anciens maquisards : « Cela fait revivre la mémoire d’Albert Graillot, dont le témoignage a beaucoup touché les élèves. »
L’étape suivante mène le groupe à Dun-les-Places, village martyr de la barbarie nazie, théâtre du massacre de 27 civils, le 26 juin 1944, et de jours de terreur et de pillages. La découverte du Mémorial, inauguré en 2016, est un des moments les plus forts du voyage, selon Adeline Cortot : « Dans la première salle, après l’écoute des témoignages qui racontent les événements, il y a un silence, une vraie chape de plomb, pendant une à deux minutes. Pas un élève ne bouge. » La visite au cimetière et l’étude de paysage referment cette première journée qui aura fait basculer les collégiens dans le réel de la Seconde Guerre mondiale, à deux pas de chez eux.
Après une nuit de repos salutaire, et peut-être peuplée de fantômes, à l’Auberge de Brassy, la seconde journée se déroule à Saint-Brisson, entre musée de la Résistance et sortie sur le terrain, « pour se mettre dans la peau d’un maquisard ». Une plongée aussi réaliste que possible : « C’est fondamental », assure l’enseignante. « La prise de conscience est tout autre quand les élèves voient les trous dans lesquels se cachaient les maquisards, qu’ils peuvent se coucher à l’intérieur, sentir, ressentir. Ou quand ils sont devant la stèle de Moussy, et que retentit le Chant des partisans. »
De ce voyage, les collégiens cosnois ont nourri les « lettres de maquisard » qu’ils ont écrites, dans le cadre du concours annuel du musée de la Résistance. Plusieurs d’entre eux ont lu leur œuvre lors de la visite de Fabien Bazin, président du Conseil départemental, dans l’établissement, il y a quelques jours : « Ils étaient contents et valorisés. C’est une reconnaissance de leur travail et de leur investissement », note Adeline Cortot.
Arrivée à la tête du collège à la rentrée 2023, Marlène Garnot a rapidement mesuré l’importance du voyage morvandiau dans la vie de l’établissement : « Je suis très attachée à ce devoir de mémoire, qu’il faut entretenir. C’est un magnifique projet, et la qualité des lettres écrites par les élèves est vraiment remarquable, étonnante. » En 2025, année de commémoration du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le voyage dans le Morvan pourrait être prolongé d’un autre parcours dans le temps, au Mémorial de Caen.