Plus de cent personnes, dont de nombreux jeunes, se sont retrouvés, mardi 12 mars, sous les lustres élégants de la salle Romain-Rolland, en mairie de Clamecy. La « plus belle salle du bassin de vie » en écrin d’une rencontre citoyenne énergique, intense, dans l’esprit d’Imagine la jeunesse. Si les failles et les carences du département n’ont pas été éludées, la conscience d’un potentiel « immense mais inexploité » et l’envie de s’y accomplir ont résonné comme des promesses de meilleurs lendemains.
Bande son des rencontres citoyennes Imagine la Nièvre ! depuis 2022, le « je t’aime moi non plus » qu’inspire le département à ses habitants se rejoue avec de délicates variations selon les territoires. Dans les Vaux d’Yonne, pays des flotteurs et des brûleurs de bois, terre de Romain Rolland et d’Alain Colas, ce sont des caractères bien trempés qui se sont souvent exprimés. Sans langue de bois.
Cela tombe bien, « on est là pour que vous nous disiez ce qui va et ce qui ne va pas », invite Fabien Bazin, président du Conseil départemental : « Vous pouvez tout nous dire. On a tracé de premières pistes de travail, à partir des rencontres de 2023, et on va continuer à les améliorer. »
Fertile en interventions, la soirée clamecycoise a permis à des jeunes de tous horizons – lycéens, salariés, créateurs d’entreprise, demandeurs d’emploi – d’ajouter leurs mots à une polyphonie qui fait sens, au fil des rencontres. « On a rarement l’habitude de voir autant de jeunes dans cette salle, pour un temps d’échange sur les aspirations et les envies d’une génération pour elle-même et pour le territoire », se réjouit le maire, Nicolas Bourdoune, citant Romain Rolland : « En agissant, on se trompe parfois. En ne faisant rien, on se trompe toujours. »
Interrogés par Wilfrid Séjeau, vice-président en charge de l’éducation et de la jeunesse, les ados et jeunes adultes de ce nord-est nivernais loin de Nevers et d’Auxerre confient un profond attachement à ce pays de collines tranché par le canal, l’Yonne et la N151. S’y projeter, envisager son avenir, partir, se former, revenir : les témoignages dessinent en creux les carences d’un département rural, le manque de transports en commun, l’urgence du permis de conduire, l’attente – et la méconnaissance, souvent – de formations post-bac.
Une jeune fille en situation de handicap raconte les embûches de son parcours : « La facilité, c’est de nous donner l’AAH (allocation adulte handicapé), un logement social, mais on ne nous propose pas de projet pour notre avenir. Mais l’AAH, ça ne suffit pas pour vivre. On doit toujours se battre, alors qu’on est tous pareils, nous aussi on veut faire des études, travailler. Moi, mon rêve, ce serait de créer mon entreprise. Mais ça va être compliqué. Tant pis, on va se rabattre sur autre chose. »
Bienveillants, à l’écoute, leurs aînés rassurent et conseillent, avec leur propre parcours à l’appui. Ahmed, ingénieur chez Jacquet, passé de Dijon à Clamecy il y a un an et demi, a la ferveur des néo-Nivernais : « La Nièvre a besoin de jeunes avec beaucoup d’abnégation et d’envie pour leur terre. »
Ils ont dit
Léa, lycéenne
Mon rêve, ce serait de me lever dans la Nièvre et la voir encore plus belle que d’habitude. On a beaucoup à faire pour que ce rêve se réalise. Je trouve très triste que tout le monde n’ait pas envie de rester dans la Nièvre. On compte sur vous, les moins jeunes (sourire), pour y arriver.
Sébastien, originaire de Dornecy, vit à Clamecy
Notre territoire est magnifique mais il est délaissé. La mobilité est un très gros problème pour les jeunes. De toutes façons, il n’y a plus de jeunes ici. Après le lycée, on nous dit qu’il faut partir, qu’on n’a aucune chance ici. Il faudrait au contraire faire des interventions pour dire que le territoire n’est pas perdu. Parce que ce discours négatif fait que les jeunes quittent Clamecy pour aller dans des grandes villes.
Manon, en recherche d’emploi
Je voudrais travailler dans les services à la personne, mais je ne peux pas parce que je n’ai pas de mobilité. Il y a bien des aides pour le permis de conduire, mais elles ne couvrent qu’une petite partie du coût, et je n’ai pas les moyens de compléter. Pas de travail, pas de permis : c’est un cercle vicieux. Je viens de Normandie, je pensais avoir une chance de vivre quelque chose de nouveau ici, de réaliser mon projet professionnel, mais on me dit que ce n’est pas possible, qu’il faut partir sur Dijon, Nevers ou Auxerre faire une formation. Je ne peux pas me permettre de louer un logement là-bas tout en ayant un loyer à payer ici.
C’est dommage, il y a énormément de potentiel dans cette région, mais il n’est pas exploité. On ferme des classes dans les écoles, il n’y a plus de maternité : comment on fait si on a un souci pendant sa grossesse ? Avec tout ça, c’est difficile d’attirer les jeunes.
Samantha, footballeuse à Clamecy
On a créé une équipe de foot féminin il y a cinq ans, et ça se développe. Je viens en parler ce soir parce que ce n’est pas assez connu, on manque de communication, et on manque aussi d’un gymnase pour s’entraîner l’hiver.
Je suis de Clamecy, et je trouve qu’il y a du potentiel ici ; j’ai travaillé dix ans à l’Hôtellerie de la Poste, et maintenant je suis responsable du rayon traiteur chez Leclerc.
Damien, directeur du cinéma de Clamecy
J’ai fait mes études dans la Nièvre, et j’ai trouvé un travail dans la Nièvre. Ça prouve qu’il ne faut pas désespérer, que la réussite peut être là pour tout le monde. Avant d’être directeur, j’ai été projectionniste pendant douze ans. On peut dire que j’ai rongé mon frein. Mais il n’y a que le travail qui paie.
La question que je me pose, c’est : est-ce qu’on fait assez pour aider les jeunes ? On manque de communication, on ne se parle pas.
Jérémy, assistant d’éducation au lycée Romain-Rolland
Il n’y a qu’un lycée de Bourgogne-Franche-Comté qui va participer aux Jeux internationaux de la jeunesse, à Athènes, et c’est le lycée de Clamecy. Ça montre qu’il y a de belles choses qui se passent ici. Grâce à la section handball, on a des jeunes de Sens, de Nevers, qui viennent ici, et qui ne connaissaient pas la ville. Ça met en valeur notre terroir.