2024 voit se poursuivre Imagine la jeunesse, le dialogue citoyen ouvert par le Conseil départemental pour inviter les jeunes Nivernais à réinventer l’avenir de leur département. Lundi 12 février, Decize a accueilli la première étape de ce nouveau « tour de Nièvre ».
Ils rêvent à voix haute, et ils aiment ça. Parler de soi, de son futur, de ses projets, valait bien le sacrifice d’un lundi soir à Decize pour les jeunes Nivernais, collégiens, lycéens, en formation, réunis au premier étage de la salle Théodore-Gérard pour la première des cinq rencontres citoyennes Imagine la jeunesse.
« Une salle qui est remplie de jeunes, c’est assez rare pour être souligné », souligne en préambule Justine Guyot, maire de Decize et vice-présidente du Conseil départemental, qui lève les timidités de l’auditoire en témoignant de son parcours : « J’ai eu mon premier mandat électif à 26 ans, ça prouve qu’il faut croire en la force de sa jeunesse. À Decize, on est très attachés à ces échanges citoyens, au contact direct avec les habitants. On ne peut plus penser les politiques publiques autrement qu’avec les jeunes, et pour les jeunes. »
À son tour, Fabien Bazin, président du Conseil départemental, rappelle brièvement la genèse d’Imagine la jeunesse, le prolongement « version jeune » du dialogue citoyen Imagine la Nièvre !, ouvert en 2022 : « On veut vous écouter, vous réécouter jusqu’à la fin du mandat, en 2028. Votre parole est sacrée, car il est rare que l’on demande aux jeunes ce qu’ils veulent, leurs rêves, l’aide dont ils ont besoin. »
Après la projection d’un film synthétisant les interviews d’une cinquantaine de jeunes, la discussion s’enclenche naturellement. Questionnés par Wilfrid Séjeau, vice-président en charge de la jeunesse, à l’aise dans ses baskets d’animateur, Apollinaire, Mathis, Estelle, Margot, Thomas, etc. prennent la parole sans flancher face à un auditoire d’adultes – élus, agents du Département, partenaires, membres de la « bande des moins jeunes » venus partager leurs expériences et leur bienveillance après la réunion.
Fil rouge de la soirée, la définition de la réussite inspire les jeunes orateurs, tous projetés dans les études supérieures, le sésame inoxydable pour la liberté du choix : « Faire le métier qu’on veut, nous. Être bien dans sa vie, être à l’aise, quoi », résume Lorena, élève de 2nde au lycée decizois. « Même si on vient d’un endroit où il n’y a pas grand-chose, on peut faire des études, évoluer », assure Margot. « Je veux avoir la vie dont je rêvais quand j’étais petite. »
Autour d’eux, les adultes témoignent de leur expérience, épandent l’optimisme et les conseils. « Continuez à avoir de l’ambition, et déconstruisez la mauvaise image de la Nièvre », invite Mustapha, conseiller à la Mission locale et membre de la « bande des moins jeunes ». Universitaire retraitée aux racines campagnardes, Marie-Pierre cite Paul-Emile Victor : « Les rêves ne valent que s’ils sont vécus. » Alors Mathis conclut en souriant : « Ça me rassure de voir que je ne suis pas tout seul, et de voir que je peux être aidé. »
Ils ont dit…
Louna, élève de 1ère au lycée Maurice-Genevoix
Plus tard, je veux travailler dans la neuropsychiatrie ou le droit international. Pour y parvenir, ça ne sera pas facile, les universités seront loin. Ce serait bien qu’il y ait davantage d’écoles dans la Nièvre ; ça peut aider : quand on étudie dans une ville, on a de fortes chances d’y rester.
Au-delà des études, c’est aussi important de s’épanouir émotionnellement, de rencontrer des personnes, et je trouve que ce n’est pas simple dans la Nièvre. Alors je me vois déménager, même si j’aime le calme et la tranquillité de mon département.
Estelle, collégienne à Cercy-la-Tour
Pour moi, réussir, c’est faire ce que je veux plus tard, changer de travail quand j’en ai envie, sans me sentir oppressée par la société. Je ne pense pas que je resterai dans la Nièvre, il n’y a pas assez de services de soin, plus assez de médecins ; c’est trop compliqué.
Apollinaire, lycéen à Decize
C’est important d’avoir des rencontres comme celle-ci, très agréable aussi qu’on nous permette de parler, en tant que jeune, de ce que l’on veut. Pour moi, réussir, c’est déjà avoir mon bac, faire des études. Je veux faire Sciences Po, et de la politique plus tard.
Mais réussir où ? Là est la question. Au risque de décevoir, ça ne sera pas dans la Nièvre. Certes, c’est très convivial, on se connaît, on se salue, mais par moments il y a un manque de dynamisme, un manque de dynamique, même si des communes arrivent à y faire face. Je suis venu ce soir parce que le département me passionne. J’ai fait mon stage de 3e dans une communauté de communes, et j’ai adoré ça.
Jennifer et Gabriel, designers graphiques
Cela fait deux ans qu’on est arrivés dans la Nièvre, et on a un gros coup de cœur pour ce département. Ici, il y a plein de possibilités, alors qu’à Paris, où on vivait, c’était bouché. On apprécie beaucoup l’environnement, la qualité de vie, les paysages, la culture. On n’avait pas d’attaches ici, on a mis le doigt sur la carte (rires). L’avantage de la Nièvre, c’est qu’on est proche des grandes villes, et l’immobilier est abordable. (Jennifer).
Je trouve que les Nivernais ont une vision un peu surfaite de Paris. Nous, on a vécu en banlieue, il n’y avait pas forcément de médecins ; on a davantage de services ici.
Hervé, conseiller principal d’éducation au lycée Maurice-Genevoix
Ce soir, j’entends et je vois beaucoup d’ambitions chez les jeunes, et c’est très agréable. Mais dans mon métier, je vois aussi des jeunes qui ont moins envie, qui ont des craintes, et ce sont eux qu’il faut aller chercher, c’est à eux qu’il faut proposer des ouvertures. Les jeunes que je côtoie au lycée ont souvent l’impression qu’ici tout ne leur est pas ouvert. Je ne m’inquiète pas pour ceux qui sont là ce soir ; s’ils sont venus, c’est parce qu’ils ont envie de s’investir.
Pascal Thévenet, président de la Maison de l’emploi et de la formation de Decize
On va organiser le Forum des mobilités, le 11 avril, avec la Mission locale. Une des premières mobilités, c’est la mobilité intellectuelle, celle qui permet de faire le premier pas, de croire en sa réussite. La mobilité physique, ensuite, est plus facile à gérer. On est tous capables de belles choses, d’où que l’on vienne. Moi, j’ai grandi dans un village de 60 habitants, et j’ai franchi des paliers.