Au lendemain de la rencontre à l’Entreprise à but d’emploi des Vaux d’Yonne, la deuxième visite de terrain de l’Observatoire des citoyens a pris pour cadre un site aux antipodes – de la Nièvre et de la vie économique : le circuit de Nevers-Magny-Cours. Avec un programme inattendu dans ce temple des sports mécaniques : la transition énergétique. Au menu des « observateurs », point de bolides dévorant du carburant fossile, mais des moteurs à hydrogène mis au point au Technopôle voisin, des ombrières photovoltaïques, et des véhicules en autopartage.
Installés dans le salon panoramique du Circuit de Nevers-Magny-Cours, les membres de l’Observatoire des citoyens ont été privés de la vue imprenable sur la piste Grand Prix par l’horaire crépusculaire de leur visite de terrain, mais ils sont repartis avec un autre souvenir, moins spectaculaire mais plus improbable : un pot de miel, offert à chacun, et présenté avec gourmandise par Serge Saulnier, président du directoire de la Société anonyme d’économie mixte sportive (SAEMS) du circuit – dont les 380 hectares et le bâti appartiennent au Conseil départemental.
« Nous avons des ruches sur le circuit », explique-t-il en préambule de la visite, savourant le regard surpris de ses hôtes. « Un laboratoire d’expertise analyse la qualité de la biodiversité, et ce sont les abeilles qui s’assurent de la qualité de l’environnement. Nous avons semé des fleurs grasses, aucun pesticide n’est utilisé, ce qui fait que ni les abeilles ni le miel ne sont impactés. Il n’a pas d’arrière-goût en bouche d’essence ni d’échappement (rires). Il est excellent. »
Sur une piste vertueuse
L’amuse-bouche détonant n’est pas fortuit. Face à des « observateurs » venus examiner la réalité des engagements d’Imagine la Nièvre ! sur la transition énergétique (1), en compagnie de Blandine Delaporte, 1ère vice-présidente en charge du dialogue avec les habitants, et de Martine Gaudin, conseillère départementale déléguée à l’attractivité, Serge Saulnier se fait fort de démontrer que le circuit « n’est pas qu’un endroit où l’on se fait plaisir à tourner en rond sur une piste, à dépenser de l’argent et à brûler de la gomme et de l’essence ». Avec son Technopôle peuplé d’une trentaine d’entreprises et de près de 400 salariés, Nevers-Magny-Cours est « un lieu de hautes technologies qui participe au développement de nouvelles énergies et qui s’intéresse de très près à la transition énergétique ».
Engagé sur une piste vertueuse, le circuit vise ainsi la neutralité carbone pour 2040, à l’instar des fédérations française et internationale, et multiplie les gestes verts : plantation de végétaux, d’arbres et de haies, recyclage tous azimuts, éclairage aux leds. « Nous avons baissé notre consommation de 10 % entre 2022 et 2023 », conclut le patron de la SAEMS. Autre illustration de cette transition énergétique à l’œuvre, les immenses parkings qui encerclent les pistes ont vu éclore des ombrières photovoltaïques : 20 000 m² de panneaux dont la genèse et les performances ont été détaillées par Jérémie Fourrage, technicien du SIEEEN (Syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre). Le syndicat est un des membres de Nièvre Énergies, société d’économie mixte créée pour développer les énergies renouvelables dans le département. Les panneaux déployés sur trois parkings du circuit produisent l’équivalent annuel de la consommation de 1 200 foyers, « l’équivalent de Magny-Cours, de Saint-Parize-le-Châtel et du circuit ».
Pourrait-on multiplier les ombrières ou couvrir les toits nivernais de panneaux pour atteindre l’autosuffisance énergétique ? « Les friches industrielles ne sont pas très pratiques, et nous avons identifié 25 à 35 parkings qui pourraient accueillir des ombrières », précise Jérémie Fourrage. Quant aux 190 000 toitures nivernaises, entre les contraintes patrimoniales et la mauvaise orientation des toits, leur potentiel… fond comme neige au soleil.
L’horizon lointain de l’autosuffisance
L’intervention de Bertrand Decoster, patron de l’entreprise Mygale, et de Serge Meyer, patron d’Oreca, sur les mobilités décarbonées nourrit le débat. Engagé dans la conception d’un moteur à hydrogène, Oreca ambitionne de s’aligner aux 24 Heures du Mans « dans quatre ou cinq ans », et son dirigeant prédit un avenir à l’hydrogène pour « la mobilité lourde, comme les trains ». La recherche d’alternatives au pétrole mène aussi vers les carburants de synthèse, mais Serge Meyer refroidit l’assistance en annonçant un changement d’époque : « Avec les futurs moteurs, on ne pourra plus faire 800 km d’une traite. Il faudra changer ses habitudes. »
Sa voisine « observatrice » reste sous le choc, tandis qu’un membre venu de Crux-la-Ville s’inquiète : « La mobilité va être un problème pour nos zones rurales. » La discussion se tourne sur le projet du Département d’installer des panneaux photovoltaïques sur des collèges : « Sept sur trente pourraient en accueillir », précise François Karinthi, directeur général des services. Si le dossier, confié à Nièvre Énergies, aboutit, l’autosuffisance grâce aux énergies renouvelables reste un horizon lointain pour le territoire, comme le souligne Stéphanie Robinet, directrice générale adjointe : « La consommation électrique totale de la Nièvre est de 5 509 GWh (gigawatts-heure) par an. Et 238 GWh sont produits dans le département grâce aux énergies renouvelables. Le potentiel théorique de production de ces énergies est de 5 559 GWh. »
Le lancement précipité, par le gouvernement, des zones d’accélération des énergies renouvelables suscite le scepticisme, sur la méthode : « Quand mon maire m’envoie un mail pour me dire qu’on a 15 jours pour décider où on met les panneaux, je rêve », dit une observatrice. « Il y a un manque de débat citoyen, un manque de pédagogie. Alors qu’on a peur de ne plus pouvoir aller travailler, de ne plus pouvoir vivre. »
Comment se déplacer mieux, en consommant moins ? L’engagement d’Imagine la Nièvre ! qui mise sur un autopartage de la flotte de véhicules du Conseil départemental est passé au scanner. Utiliser pendant les soirs et week-ends les 150 véhicules légers (dont 25 électriques) disponibles ? L’initiative se heurte à plusieurs freins : les assurances, l’identité et la responsabilité des conducteurs, la garantie d’un retour sur site à l’heure. « L’idée de l’autopartage est bonne, mais est-ce faisable à partir de la flotte du Département ? », avance un participant.
Avant que l’Observatoire ne remette sur le métier la viabilité de l’engagement, Blandine Delaporte suggère : « Pourquoi ne pas faire un test cet été ? Nous avons des festivals comme les Petites Rêveries à Brinon-sur-Beuvron. L’autopartage pourrait permettre à des habitants de Nevers de s’y rendre ? » L’idée est lancée, elle nourrira les prochains échanges des « observateurs ».
(1) Promouvoir l’autosuffisance énergétique par le développement du photovoltaïque ; valoriser le Circuit de Nevers-Magny-Cours pour en faire une vitrine des mobilités décarbonées.