Depuis plusieurs années, les effets du changement climatique sont visibles. Le patrimoine naturel donne des signes de faiblesse, les forêts nivernaises sont menacées. Stress hydrique, dépérissement ou attaque du scolyte pèsent déjà sur ce marqueur identitaire qui recouvre un tiers du département et qui pourrait, d’ici 30 à 50 ans, disparaître de nos paysages.
Les forêts nivernaises vues du ciel
Le dérèglement climatique, la diminution et la qualité de la ressource en eau, la multiplication d’épisodes météorologiques exceptionnels amplifient le dépérissement des forêts.
Les effets du changement climatique ne sont pas les mêmes partout dans la Nièvre. Les forêts du val de Loire, principalement composées de feuillus et de chênes, souffrent le plus de stress hydrique. Dans le Morvan, moins impacté par la sécheresse, les parcelles touchées sont celles composées uniquement d’épicéas ; cette essence résineuse sollicite un apport important en eau, et est prise d’assaut par un parasite, le scolyte, dont l’éradication passe par des coupes franches qui défigurent le paysage.
Il est indéniable que les forêts jouent un rôle essentiel. Elles amortissent les effets du changement climatique et sont indispensables pour la préservation de la biodiversité. Elles sont également une ressource renouvelable, un puits de carbone considérable, et surtout des espaces paysagers et récréatifs. Enfijn, une forte dynamique économique existe autour de la filière bois : 1 600 emplois et 500 entreprises se partagent le marché, de l’exploitation forestière à la transformation du bois.
Le Département est attentif aux enjeux écologiques et environnementaux, et s’investit depuis plus de trente ans dans l’élaboration d’une politique en faveur de la nature, notamment à travers la préservation de milieux naturels exceptionnels (Espaces naturels sensibles) et la Stratégie d’adaptation au changement climatique. Il siège également au Groupement pour une gestion responsable de la forêt bourguignonne, et s’est affilié à deux certifications environnementales internationales qui sont plus exigeantes que la réglementation nationale actuelle.
Malgré ces attentions, l’avenir de nos forêts reste bel et bien menacé et marque les limites de la mono-sylviculture. Dans ce contexte d’incertitude, le Conseil départemental, propriétaire de 358 ha, s’associe avec l’Office national des forêts et le groupement forestier Le Chat sauvage pour remédier à cette problématique et élaborer une nouvelle gestion forestière adaptable aux différents milieux. Pour conserver un bon équilibre, la collectivité veut avant tout impulser de nouvelles pratiques et être exemplaire dans la gestion, pour inciter les propriétaires forestiers à adopter ces méthodes et ne pas répéter les erreurs du passé.
Pour ce faire, le Département s’est appuyé sur des études scientifiques, et a recruté une apprentie, dont les mesures biologiques et pédologiques sur une partie des forêts départementales ont permis un état des lieux précis. Cet outil essentiel donnera des indices sur la potentielle biodiversité et sur les essences à planter. En même temps plusieurs rencontres et échanges techniques avec l’Office national des forêts et le groupement forestier le Chat sauvage ont permis l’élaboration de nouvelles orientations.
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Enjeux et défis pour les forêts départementales :
- restaurer et accélérer la résilience des forêts départementales face au changement climatique,
- améliorer les capacités d’accueil de la biodiversité en forêt,
- poursuivre la conciliation entre production et protection de la forêt tout en maintenant l’état boisé,
- démarche d’exemplarité de la collectivité pour convaincre d’autres acteurs de la filière bois.
Pour la résilience des essences
Afin d’atténuer les risques de disparition des biotopes forestiers et de certaines essences emblématiques, et de rendre les forêts résilientes, le Conseil départemental s’appuie sur l’expertise des acteurs du territoire.
Le Crôt de la Vouavre, Saint-Honoré-Les-Bains
À la demande du Conseil départemental, l’Office national des forêts, gestionnaire historique des parcelles départementales, propose de déployer son concept de « forêts mosaïques », visant à développer une sylviculture mélangée à couvert continu : diversifier les essences et les modes de sylviculture, plus à même de supporter les fortes chaleurs et réclamant peu d’eau.
Le groupement forestier Le Chat sauvage, lui aussi, sollicité par les services du Département, apporte une vision plus contrastée. Il aborde tous les aspects de la forêt, pas uniquement l’aspect économique, comme l’explique son président, Frédéric Baucher : « La société serait perdante si on prenait en compte uniquement l’aspect économique, sans considérer les autres aspects : les paysages, les espaces d’activités de plein air, une biodiversité riche. Nous avons un autre regard. On ne doit pas chercher la rentabilité dans la production du bois, il faut avoir une gestion la plus proche possible de l’écosystème. Les bois subissent une double peine ; le manque d’eau, la pression du climat, affaiblissent les arbres et sont plus sensibles aux attaques de parasites. Plus la forêt sera diversifiée en essences et en âge, plus elle sera résiliente et plus le biotope forestier résistera. »
Ces nouvelles approches de gestion forestière envisagent la sylviculture autrement. Elles déploient à la fois des visions alternatives et s’appuient sur des méthodes ancestrales. Il faudra faire preuve de patience et sans doute adapter les pratiques sylvicoles, au fur et à mesure des conséquences imprévisibles du changement climatique. Les efforts devront être consentis sur plusieurs décennies, et leurs effets ne seront pas visibles immédiatement. Il nous faudra sans doute faire preuve, nous aussi, de résilience en nous adaptant au changement majeur de la faune et de la flore.
La réglementation des boisements
L’objectif de la réglementation des boisements est de déterminer le bon équilibre entre la répartition des terres, les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature, de loisirs et habités. Ce cadrage essentiel contribue à l’aménagement foncier sur l’ensemble du territoire et assure ainsi la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables en évitant le morcellement des plantations forestières.
Forêt de Douglas
En vertu de la loi sur le développement des territoires ruraux du Code rural et de la pêche maritime, le Conseil départemental a la responsabilité de la mise en œuvre et de l’instruction de la réglementation des boisements au niveau communal et intercommunal. L’objectif de cet outil d’aménagement est de maîtriser l’extension des boisements et de favoriser une meilleure répartition des terres entre la forêt, les productions agricoles, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural.
Elle instaure des zonages ou périmètres, dans lesquels des semis, des plantations d’essences forestières ou la reconstitution après coupe rase, peuvent être interdits ou réglementés. Ils sont établis en fonction de la topographie et la configuration de l’espace et permettent d’appliquer des règles précises. Les projets de réglementations des boisements sont mis en œuvre par le Département après sollicitation des communes.
En 2021, les communes de Brassy, Chaumard, Dun-les-Places, Montsauches-Les Settons, Ouroux-en-Morvan et Saint-Agnan ont demandé une procédure d’élaboration de réglementation établie par la Commission intercommunale d’aménagement foncier (CIAF). Votée en session en novembre dernier, la réglementation correspond aux attentes et aux spécificités du territoire. Elle permet d’imposer des distances de recul et de contrôler les essences sur les habitats forestiers d’intérêt écologique ou paysager.
Ce cadrage contribue à la mise en valeur des espaces ruraux en cohérence avec les politiques agricoles, forestières et environnementales. Il est, naturellement, en parfaite adéquation avec la réglementation forestière départementale.
À qui s’applique la réglementation ?
Le zonage s’applique à tout propriétaire, public ou privé. Lorsqu’elles visent des terrains déjà boisés, les interdictions ou réglementations ne peuvent concerner que des parcelles boisées isolées ou rattachées à un massif dont la superficie est inférieure à 10 hectares.
Les interdictions et les réglementations ne sont pas applicables aux parcs ou jardins attenant à une habitation, aux arbres isolés, aux plantations ornementales et haies champêtres, ainsi qu’aux cultures de sapins de Noël.
Toute personne qui souhaite planter ou replanter sur une parcelle située dans la zone « couverte » par une réglementation des boisements doit effectuer une déclaration préalable auprès du président du Conseil départemental, qui peut autoriser ce projet, ou s’y opposer.