Durant quatre mois, le service Eau du Conseil départemental a accueilli Salomé Boudier, étudiante en licence pro Gestion des milieux naturels à Angers. La Morvandelle a consacré son stage aux macro-invertébrés de quatre rivières nivernaises, dans lesquelles une forte baisse des populations avait été enregistrée au cours des dernières années. Une vivifiante confrontation au réel pour la jeune femme soucieuse du changement climatique et décidée à s’engager pour la biodiversité.
Originaire de La Roche-en-Brénil (prononcé « Bronil » par les locaux), près de Saulieu, Salomé Boudier a hérité de sa jeunesse morvandelle une sensibilité à la nature, à sa fragilité, à sa préservation (voir encadré). L’imprégnation a aussi influencé le cours de ses études : une licence pro Gestion des milieux naturels à Angers (Université catholique de l’Ouest) et, à la rentrée prochaine, un master Biodiversité Ecologie et Evolution à Perpignan (Pyrénées-Orientales), en alternance, avec un poste de chargée de biodiversité à la communauté d’agglomération de Rochefort (Charente-Maritime).
Pour boucler sa licence, la jeune femme de 22 ans a choisi presque aussi naturellement la Nièvre, où le service Eau du Conseil départemental proposait un stage de quatre mois sur l’étude des macro-invertébrés aquatiques de quatre rivières : la Nièvre de Champlemy et trois rivières morvandelles, l’Oussière, le Saint-Marc et le Vignan. « Ce stage m’intéressait parce qu’il concernait la Nièvre, un territoire proche de chez moi, et parce qu’il était consacré à l’écologie des cours d’eau. »
Pour le service Eau, qui accueille tous les ans des étudiants sur des temps longs, la venue de Salomé Boudier avait un objectif : analyser les causes d’une diminution nette des populations relevée au cours des dernières années. « Les macro-invertébrés sont dépourvus de squelette et sont visibles à l’œil nu », décrypte l’étudiante. « Des mollusques, des vers, des crustacés, des larves d’insectes. Ce sont des bio-indicateurs, sensibles aux pollutions. »
Avec un réseau de partenaires, le service Eau du Département suit 27 cours d’eau nivernais. L’étude se resserre sur quatre d’entre eux. Le passage à la pratique la concentre encore plus : « Par manque de temps, je n’ai fait des prélèvements que dans la Nièvre, à Saint-Aubin-des-Forges. Quatre mois, ça passe très vite. » Début mai, sable, vase, végétaux et pierres sont raclés par Salomé Boudier dans un périmètre défini, sur une station de suivi du réseau. L’ensemble du vivant est recueilli et placé dans des bocaux d’alcool. Commence alors la plus longue phase, celle de l’identification : « Le laboratoire départemental m’a prêté une loupe binoculaire. J’ai pu identifier les macro-invertébrés grâce à des clefs d’identification. Mais cela a pris du temps. »
Embellie en trompe-l’œil
Impossible, dès lors, de mener les mêmes analyses dans les trois rivières morvandelles ; l’étudiante devra se « contenter » des données existantes. Les résultats des prélèvements dans la Nièvre révèlent une première surprise : la baisse continuelle enregistrée au cours des années précédentes a laissé la place à une augmentation des populations, même si celles-ci n’ont pas retrouvé leur niveau de 2005. « Par rapport aux relevés de 2020 il y avait une hausse dans toutes les catégories. Mais certaines qui étaient là en 2005 ont disparu », précise Salomé Boudier.
Le sentiment d’une embellie est de courte durée : fin juin, un bureau d’études effectue des prélèvements à Saint-Aubin-des-Forges, exactement au même endroit. Verdict : « Il y avait une dégradation par rapport à ce que j’avais relevé en mai. » Entre les deux dates, le débit de la rivière a fortement baissé. Comme « les prélèvements de 2020 avaient eu lieu en juillet », l’hypothèse d’un lien entre débit de l’eau et démographie des macro-invertébrés semble limpide. « On ne sait pas si la température de l’eau peut avoir également une influence », ajoute Salomé Boudier, qui a conclu son étude avec « plusieurs hypothèses, mais aucune certitude.
Nourrie d’échanges avec des hydrobiologistes du réseau de suivi et un entomologiste de la Société d’histoire naturelle d’Autun, la stagiaire a pu « interpréter au mieux (ses) résultats » mais avoue en toute humilité la limite de l’exercice : « Dans le vivant, il y a des choses que l’on n’explique pas. Quand j’ai commencé cette étude, je me suis dit que je verrais apparaître des tendances. Mais dans l’écologie, il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte. Je termine ce stage remplie d’interrogations, et avec la frustration de ne pas avoir trouvé les causes. Même si je me dis que j’ai servi à quelque chose. »
Un suivi à renforcer
Dans ses préconisations, Salomé Boudier pointe ainsi la nécessité d’un suivi plus régulier et surtout « à date fixe, fin mai ou début juin », pour obtenir des données plus fiables, moins sensibles aux variations de débit. « Dans l’idéal, il faudrait aussi pousser l’identification des macro-invertébrés jusqu’à l’espèce, et pas seulement au genre (1). Cela permettrait de mesurer avec davantage de précision l’évolution des populations. »
La « frustration » du résultat ne dilue pas la satisfaction de l’expérience : « J’étais venue chercher de l’expérience. On m’a fait confiance, et François Thomas (chef du service Eau, NDLR) a toujours été en soutien, il m’a accompagnée. Avant ce stage, j’avais peur des responsabilités, et j’ai pris beaucoup de plaisir à faire cette étude. Ces quatre mois me donnent envie de toujours plus découvrir, et ils m’ont confortée dans le choix de continuer mes études en alternance, pour avoir à la fois la pratique et la théorie. Et j’ai pris goût aux responsabilités. »
Le 27 juillet, à quelques jours de la fin de son stage, Salomé Boudier a présenté son étude et ses conclusions devant les membres des services Eau et Patrimoine naturel : « M’adresser à des gens qui connaissent le territoire et le sujet, cela me mettait la pression. Mais le retour a été positif, rassurant, ils m’ont trouvée claire dans ma présentation. » Une bonne répétition avant le « vrai » oral universitaire, le 29 août.
1. L’identification du vivant se fait du plus large au plus précis : par famille, puis par genre, et enfin par espèce.