Attraction touristique, fierté patrimoniale, artère économique, concentré de biodiversité. Le canal du Nivernais est tout cela, et plus encore : un frêle et fort fil bleu autour duquel gravitent plaisanciers, cyclistes, pêcheurs, randonneurs, travailleurs, etc. Comment ne pas faire rimer succès avec excès, attraction avec saturation ? Tel est l’enjeu pour les acteurs publics et privés de la vie du canal, réunis cette semaine à Châtillon-en-Bazois, à l’initiative du Conseil départemental et de son président Fabien Bazin, pour débattre de l’état des lieux, de l’avenir, et de la création d’un code du bon usage commun.
Pour les plaisanciers au long cours et les capitaines d’un jour, les pêcheurs de passage et les locaux, les randonneurs pédestres et les cyclos séduits par la douceur du chemin de halage transformé en véloroute, le canal du Nivernais est une destination à haute fidélité dont le pouvoir d’attraction ne cesse de croître. « C’est un outil formidable, que tout le monde adore », rappelle Fabien Bazin, président du Conseil départemental, en ouvrant la réunion de travail et d’échange aux côtés de Jean-Louis Lebeau, président du Syndicat mixte d’équipement touristique, dans le grand vaisseau de bois du Centre d’exploitation et de navigation, au port de Châtillon-en-Bazois.
Élus, techniciens, représentants de Voies navigables de France, des pêcheurs et des loueurs de bateaux, ont répondu à l’invitation du Département pour débattre de la situation et de l’avenir du canal, confronté au revers de la médaille : « Nous avons besoin de régler quelques sujets, comme le traitement des ordures ménagères », poursuit le président du Département, qui gère 58 km de section concédée (voir ci-dessous). « Il n’existe pas de code du bon usage du canal du Nivernais. Nous devons réfléchir à une règle commune. »
Seul canal bourguignon à avoir traversé les dernières vagues de sécheresse sans être contraint de stopper la circulation des bateaux par manque d’eau, le canal du Nivernais n’en finit pas de séduire les plaisanciers, comme en témoigne le gérant d’une agence des Canalous, un loueur de bateaux : « C’est une des destinations les plus prisées par nos clients. Le démarrage de la saison 2023 est vraiment très bon. » Du côté de la fédération départementale de pêche, l’écho est le même : « Le canal est une aubaine pour les pêcheurs et pour la Nièvre. Nous avons 18 000 adhérents, et de plus en plus fréquentent le linéaire du canal, et nous avons des pêcheurs d’autres régions, d’autres pays. Tous nous disent que nous avons un outil remarquable. Nous sommes enviés. »
L’agence départementale de développement touristique, Nièvre Attractive, voit quant à elle affluer les demandes de voyage de presse, « de la part des médias et des influenceurs », sensibles au tourisme vert et à l’itinérance douce dont le canal du Nivernais est un séduisant archétype. De plus en plus fréquentée, la voie royale du développement économique veut rester fréquentable, et régler pour ce faire plusieurs points noirs : le manque de services (commerces, restauration, dépannage) dans les portions les plus rurales, et l’élimination des déchets.
« La politique actuelle, c’est de supprimer les poubelles pour inciter les gens à rapporter leurs déchets chez eux », explique un élu du Syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre (SIEEEN). « C’est un problème assez difficile à résoudre. » Dépôts sauvages, gravats, sacs amoncelés, séquelles des « javas du samedi soir » : les témoignages attestent les zones d’ombre sur la carte postale, et pointent unanimement la responsabilité des autochtones. « C’est un très mauvais exemple que nous donnons aux gens qui nous visitent », regrette un élu.
Autre problème à régler, le manque d’équipements pour l’élimination des « eaux noires » (toilettes) et « eaux grises » (vaisselle et ménage) des bateaux : « Il faudrait des lieux pour les vidanger », suggère le porte-parole des Canalous. « Elles sont rejetées dans le canal, et cela choque les plaisanciers anglo-saxons, allemands ou scandinaves. » Un « choc » qui se double d’un impact sur la qualité de l’eau et de l’environnement du canal, touché par le phénomène des plantes invasives, « une catastrophe » à arracher et à éliminer, selon le représentant de Voies navigables de France. Services de l’État, Département, syndicat mixte d’équipement touristique, intercommunalités, communes, usagers : « Il faut que l’on travaille ensemble, et ce n’est pas qu’une déclaration d’intention. »
Les participants à la réunion ont prolongé la réflexion en se répartissant en groupes de travail. D’autres rencontres sont d’ores et déjà prévues pour passer de la théorie aux actes.