Avec plus de 15 000 œuvres, la collection d’estampes (images imprimées) de la Médiathèque Jean-Jaurès, à Nevers, est une des plus importantes de Bourgogne-Franche-Comté – tellement vaste que son inventaire exhaustif reste à mener. La qualité est au diapason de la quantité, comme le montre la première exposition panoramique de certaines de ses plus belles pièces à La Maison (Nevers), jusqu’au 13 juillet. Enrichie, prolongée et décentralisée au musée du Grès de Saint-Amand-en-Puisaye grâce au programme Éclats (soutenu par le Conseil départemental), du 10 juin au 18 septembre, l’exposition invite à une plongée époustouflante dans cinq siècles de création, entre kaléidoscope et vue en coupe de l’histoire de l’art.
Sa découverte du fonds graphique de la Médiathèque Jean-Jaurès, Christophe Vootz en parle avec le sourire extatique et les yeux agrandis d’étonnement que l’on imagine sur le visage d’Ali Baba à l’ouverture de la caverne, ou sur celui des inventeurs du trésor de Toutankhamon. « J’y suis allé pour remettre sur pied le partenariat autour de l’Artothèque », explique le commissaire d’expositions de La Maison. « Et ce que j’ai vu était incroyable. Des choses énormes. Un trésor fabuleux. »
Riche de 15 000 œuvres, la collection d’estampes de la médiathèque neversoise est un gisement aux affleurements trop rares : « Tout le monde sait qu’il y a des estampes à la médiathèque, mais personne n’en connaît le quart du dixième de la moitié. Je me suis tout de suite dit qu’elles méritaient un coup de projecteur. »
Cette mise au jour et en lumière tombe à point dans une saison 2022-2023 de La Maison qui présente les « trésors » locaux sur les murs de son immense hall. Après la rétrospective du Théâtre du Caramel fou et « Infime », regards croisés de quatre artistes contemporains nivernais, place à « Estampes, stampare, imprimer… », une sélection de près de 200 estampes balayant cinq siècles d’arts, à découvrir depuis le 12 mai et jusqu’au 13 juillet.
Puissance et finesse du détail
Christophe Vootz s’est plongé avec délice dans le fonds graphique, avec Jean-François Lefebure, directeur de la médiathèque, Patricia Todorovic, chargée du fonds graphique, et Stéphanie Rabussier-Ringeval, attachée à la conservation du musée du Grès de Saint-Amand-en-Puisaye : « On a commencé en octobre 2022, mais il nous aurait bien fallu deux mois de plus », sourit le commissaire d’expositions, dont l’œil de photographe et d’esthète s’est rempli la rétine de chefs-d’œuvre : « J’y vais à l’instinct. J’ai toujours aimé déceler la poésie d’une œuvre, quelle qu’elle soit. Et ces estampes ont un pouvoir poétique fort. »
Paysages, scènes de villes et de villages, portraits, mythologie, religion, etc. : l’expressivité, la puissance et la finesse du détail des géniaux graveurs hollandais, français, italiens ou allemands du XVIIe au XIXe siècle éclatent dans chacune des impressions sur papier exfiltrées des réserves de la médiathèque le temps de l’exposition. « Elles sont fragiles, on ne les laisse pas plus de trois mois au grand air », précise Jean-François Lefebure, ravi de cette initiative de La Maison : « Nous consacrons régulièrement des expositions à des graveurs, à la médiathèque, mais il n’y avait jamais eu une telle exposition panoramique. »
Les trésors des fonds Mitterrand et Thuillier
À l’instar de nombreuses bibliothèques, celle de Nevers a vu ses premiers recueils d’estampes arriver avec les confiscations révolutionnaires et les dépôts de l’État. Mais elle se distingue par une politique d’acquisitions commencée dans la première moitié du XXe siècle, et jamais interrompue depuis, et par deux renforts hors du commun. Le premier, en 1990, vient de François Mitterrand, qui donne à la Ville de Nevers de plus de 22 000 livres offerts durant ses septennats ; parmi ces ouvrages, de nombreux livres illustrés et d’artistes (Balthus, Pierre Alechinski, Niki de Saint Phalle, etc). Le second, en 2019, est issu du legs des frères Jacques et Guy Thuillier, historiens et amateurs d’art éclairés : « Jacques Thuillier était un des grands collectionneurs d’estampes de notre époque », explique Jean-François Lefebure.
Sur les murs de La Maison, se côtoient de grands noms de l’art contemporain (Juan Mirò, Yves Klein, Alexandre Calder), des figures de la gravure nivernaise, comme Fernand Chalandre, et des artistes oubliés ou méconnus dont les œuvres sont autant de fenêtres sur un monde grouillant de vie. L’exposition alterne habilement entre chronologie et thématiques, avec une place de choix réservée aux portraits, dont une trentaine composent une famille (formidable) de siècles et de styles sur le plus vaste mur de la galerie Montchougny. La patte de Christophe Vootz : « Le portrait, c’est ma came. »
Çà et là, de gros cubes posés au sol déclinent sans façon le glossaire de l’estampe, « image imprimée, le plus souvent sur papier, après avoir été gravée sur métal, bois, etc. ou dessinée sur support lithographique », dixit le Larousse.
Programme d’expositions « mobiles » d’arts plastiques et d’ateliers de sensibilisation, Éclats décentralisera des estampes de la médiathèque au musée du Grès de Saint-Amand-en-Puisaye, qui accueillera l’exposition « Itinéraire du geste » du 10 juin au 18 septembre. Le choix des estampes a été guidé par la volonté de nouer un dialogue entre les gravures et les grès exposés au musée, dont les œuvres de Jean Carriès, imprégnées de culture japonaise.
Créé en 2021 par La Maison pour favoriser l’accès aux arts plastiques dans tout le département, en associant expositions et éducation artistique (auprès des plus jeunes notamment), Éclats est soutenu par le Conseil départemental.
Détails sur www.maisonculture.fr/