Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a rendu son 6e rapport d’évaluation, le 20 mars. L’ouvrage décrit une urgence climatique mais expose aussi des solutions concrètes et des possibilités d’améliorer la situation. Que retenir de ce rapport ? On vous explique tout.
Pour rappel, ce 6e rapport du GIEC est le fruit d’une collaboration internationale, qui synthétise les connaissances scientifiques acquises entre 2015 et 2021 sur le changement climatique : ses causes, ses impacts, les mesures possibles pour l’atténuer et s’y adapter. Il constitue une base scientifique internationale qui regroupe plus de 195 pays.
Comme on pouvait le redouter, le troisième et dernier volume du 6e rapport du GIEC n’est pas très rassurant et montre des phénomènes en constante évolution.
La situation s’aggrave
Les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines, qui réchauffent le climat, évoluent à un rythme sans précédent. Ce phénomène implique que la température de la surface du globe s’est élevée de 1,1 °C par rapport à la période pré-industrielle. Le GIEC estime que le réchauffement de la planète atteindra 1,5 °C dès le début des années 2030, quels que soient les scénarios d’émission.
Si l’on veut limiter ce réchauffement à 1,5 °C voire 2°C, il faudrait d’ores et déjà intensifier les efforts pour ramener les émissions mondiales nettes de CO2 à zéro et réduire fortement les autres gaz à effet de serre, en particulier le méthane. La poursuite des émissions est principalement due au fait que l’amélioration de l’efficacité énergétique n’a pas compensé l’augmentation globale de l’activité dans de nombreux secteurs économiques, les énergies fossiles et l’industrie restant les principales sources d’émissions. En 2019, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a atteint 410 parties par million (ppm, l’unité de mesure de la pollution de l’air) en moyenne, un taux qui n’avait pas été atteint depuis 2 millions d’années.
Le respect de l’objectif de limiter le réchauffement global à 1,5 °C nécessite un pic des émissions de CO2 en 2025 au plus tard, puis une décroissance jusqu’à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Le phénomène de hausse de la température s’est aussi accentué et le réchauffement climatique est bel et bien lié aux activités humaines, faisant de la décennie 2011-2020 la plus chaude depuis environ 125 000 ans.
Les scénarios socio-économiques montrent que le niveau de réchauffement global de 1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle sera atteint dès le début des années 2030, quels que soient les efforts de réduction immédiate des émissions mondiales de CO2.
La Terre et les hommes plus vulnérables
Le rapport montre aussi que les écosystèmes et les populations sont de plus en plus vulnérables.
En effet, le changement climatique a déjà touché l’accès à l’eau et à l’alimentation (réduction de la croissance de la productivité agricole sur les 50 dernières années), la santé (augmentation des maladies vectorielles transmises par les moustiques, hausse de la mortalité liée aux vagues de chaleur) et l’activité économique.
Le changement climatique contribue aussi à des crises humanitaires, en particulier en Asie. Ses effets sont particulièrement amplifiés dans les villes qui concentrent plus de la moitié de la population mondiale. Ainsi, on estime qu’environ 3,3 milliards de personnes qui vivent dans des zones déjà vulnérables au changement climatique.
Néanmoins, il faut signaler que la vulnérabilité des écosystèmes et des populations diffère substantiellement selon les régions. Les zones particulièrement impactées par les dangers climatiques sont l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud, les petites îles en développement et l’Arctique.
Entre 2010 et 2020, la mortalité due aux inondations, aux sécheresses et aux tempêtes a été 15 fois supérieure dans les pays très vulnérables par rapport aux pays peu vulnérables.
Des phénomènes climatiques plus intenses
Les impacts du changement climatique vont s’intensifier, en particulier avec les phénomènes suivants : températures extrêmes, intensité des précipitations, sévérité des sécheresses, augmentation en fréquence et intensité des évènements climatiques rares, accélération de la fonte du permafrost, de la glace de mer en Arctique, des glaciers de montagne et des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique.
Les mécanismes naturels d’absorption du carbone seront de moins en moins efficaces, ce qui engendrera des conséquences irréversibles telles que la montée du niveau de la mer ou encore la fonte des calottes glaciaires. Le rapport du GIEC identifie aussi des seuils de réchauffement provoquant des impacts irréversibles sur la perte de la biodiversité.
Ces risques seront de plus en en plus imprévisibles, et pourront s’enchaîner en cascades. Difficiles à gérer, ils s’aggraveront dans toutes les régions du monde, mais surtout dans les zones plus vulnérables.
Des raisons d’espérer
Si la situation est complexe, elle n’est pas désespérée, car il existe encore des possibilités d’adaptation. De nombreuses mesures se développent depuis 2014 : systèmes d’alerte précoce, amélioration de l’irrigation, agroécologie, solutions fondées sur la nature, etc.
Et même si cela encore insuffisant, il faut noter par ailleurs que le budget international consacré au climat, et plus spécifiquement dédié à l’adaptation (entre 4 et 30 %, selon les sources), progresse.
Le GIEC évoque alors la solution du « développement résilient ». Ce serait un développement durable pour tous à condition de mettre en œuvre, de manière intégrée, des politiques d’adaptation au changement climatique, de protection de la biodiversité et des écosystèmes, et des politiques de réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre.
La transformation systémique pourrait aussi être une solution au changement climatique. Pour atteindre le « zéro émission nette de CO2 » à l’échelle mondiale en 2050, une large palette sectorielle est ciblée : bâtiments, transports, énergie, industrie, préservation des systèmes naturels existants. L’électrification des usages joue un rôle essentiel, à condition de produire de l’électricité bas-carbone. Pour réduire les émissions de GES, il faut automatiquement diminuer la demande en énergie et en matériaux. Il sera alors possible d’en réduire les besoins de 45 % d’ici 2050 par l’efficacité énergétique.
Ne plus utiliser les énergies fossiles permettrait par ailleurs d’atteindre 10 % des réductions d’émissions nécessaires d’ici 2030. Le secteur de l’agriculture, la forêt et l’usage des terres représentent un potentiel important de réduction des émissions, avec des bénéfices potentiels pour la biodiversité. Plus la réduction des émissions sera tardive, plus les effets négatifs seront importants.
Des synergies nécessaires
De très nombreuses synergies existent entre l’atténuation, l’adaptation et les Objectifs de développement durable (ODD). S’engager dans des scénarios de développement durable nécessite de lever de nombreuses barrières et de mettre en place des incitations, notamment à travers le financement, des politiques publiques, le transfert de technologies et la coopération internationale.
Les bénéfices d’une action précoce sont plus importants que les coûts macro-économiques de la transition.
Si ce scénario est séduisant, le niveau actuel de la « finance » climat n’est pas encore suffisant pour s’engager dans des scénarios de développement durable. Les flux financiers privés et publics non alignés avec l’Accord de Paris restent majoritaires, avec 870 milliards de dollars identifiés en 2020 en soutien aux énergies fossiles, soit largement plus que la finance dédiée au climat.
Alors, même si le constat est un peu rude, il est à noter que ce 6ᵉ rapport d’évaluation constituera la base scientifique principale pour le premier bilan mondial de l’Accord de Paris, qui aura lieu lors de la COP 28 à Dubaï (Émirats Arabes Unis) à la fin de l’année 2023.