Élaborée et hébergée par les Archives départementales, l’exposition Femmes plurielles raconte des siècles de condition féminine dans la Nièvre, l’infini combat pour s’affranchir du joug masculin, les « pas de géantes » qui ont conduit jusqu’au droit de vote en 1945. L’inauguration, lors de la Journée internationale des droits des femmes, a rappelé que le chemin était encore long vers l’égalité, le respect, la fin des violences et des injustices, en France et dans le monde.
La phrase pourrait sembler tombée d’un manuel éducatif du XVIIIe siècle à l’usage des futurs époux. « Il importe donc que l’homme éduque la femme au point de vue social en lui faisant toucher du doigt que d’aller à l’usine ou à l’atelier n’est pas son rôle. » Mais cette « perle » misogyne se découvre au hasard d’un article de 1909 paru dans Le Prolétaire de la Nièvre, journal aujourd’hui défunt gardé au chaud dans la mémoire vaste et vive des Archives départementales de la Nièvre.
Ce document, et bien d’autres, a nourri l’exposition Femmes plurielles, à regarder jusqu’au 16 juin comme le miroir, fidèle et souvent cruel, de la condition féminine dans la Nièvre, du Moyen Age au XXe siècle, de l’aliénation à l’émancipation. Au foyer, à l’école, au couvent, à l’usine, à la guerre, au pouvoir, les multiples rôles des Nivernaises – filles, épouses, mères – reprennent vie grâce au remarquable travail de recherche et de mise en forme effectué par l’équipe d’Erwann Ramondenc, directeur des Archives départementales depuis le 1er septembre 2022.
L’exposition a été inaugurée le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. Une date « judicieusement choisie », sourit Blandine Delaporte, 1ère vice-présidente du Conseil départemental, touchée par cet hommage des Archives aux « vies des femmes dans la Nièvre, connues, moins connues, ou inconnues », qui met en lumière « l’évolution et les pas de géantes pour la place des femmes dans la société, tout au long du XXe siècle ».
Aussi spectaculaire soit-elle, la progression n’a pas comblé le gouffre de millénaires de relations hommes-femmes frappées d’inégalités encore à l’œuvre dans la Nièvre, en France et dans le monde : « Malgré ces pas de géantes, nous continuons à courir après le respect de nos droits », reprend gravement Blandine Delaporte, devant une assistance nombreuse et majoritairement féminine. « Inégalités salariales, accès à l’éducation, charge mentale, violences… Ce n’est pas pour aujourd’hui que cette journée du 8 mars ne sera plus utile. Mesdames, notre course n’est pas terminée. »
En témoigne le détournement, pointé ironiquement par la vice-présidente, d’une Journée internationale des droits des femmes transformée en journée de la femme, voire de la ménagère : « Nous avons droit à des promotions sur les coupes brushing, les crèmes dépilatoires, les aspirateurs. Cela ramène la femme à une image et à des injonctions sexistes qui ne devraient plus avoir cours. » Et de conseiller aux auteurs de ces coups de pub – dont les prédécesseurs sont visibles dans l’exposition – de « tenter la promotion sur les aspirateurs pour la Fête des pères ».
A ses côtés, Wilfrid Séjeau, vice-président à la culture, rappelle que le monde politique revient de loin en matière de misogynie : « Le droit de vote pour les femmes, c’est 1945, ce n’est pas si loin. Longtemps, il n’y a eu qu’une seule femme élue au Conseil général. Sans la loi, il aurait sans doute fallu encore des siècles avant d’arriver à la parité. » Saluant le travail de l’équipe des Archives départementales, qui « conserve et fait vivre la mémoire », Wilfrid Séjeau voit dans cette exposition « le chemin parcouru » pour les droits des femmes, mais aussi « celui qui reste à parcourir ».
« Les Archives départementales sont souvent perçues comme un lieu où l’on classe et où l’on conserve », abonde le préfet, Daniel Barnier. « Elles sont aussi un lieu vivant, qui fait vivre l’histoire de la Nièvre. » Il pointe à son tour que le corps préfectoral a mis du temps à accepter la présence féminine ; il aura fallu en effet attendre 1981 pour voir la nomination de la première préfète, Yvette Chassagne : « Aujourd’hui, 30 % des préfets sont des femmes », précise le représentant de l’Etat. Et si « beaucoup d’efforts ont été faits ces dernières années et décennies, il en reste beaucoup à mener en matière de violences et de discriminations ».
L’exposition Femmes plurielles est à voir jusqu’au 16 juin, du mardi au vendredi, de 9 h à 12 h et de 13 h 30 à 17 h 30, aux Archives départementales, 1 rue Charles-Roy à Nevers. Entrée libre et gratuite.