Grâce à l’initiative d’Apolline Chavance, professeure de français, des élèves de 6e et de 3e du collège Lucien-Chaussin (Dornes) ont pu rencontrer et échanger avec le poète Jean-Pierre Siméon.
Apolline Chavance fait partie de ces enseignants qui, par leur passion, vous ouvrent des horizons, aiguisent votre curiosité et décuplent votre envie d’apprendre. Guère plus grande que ses élèves, ce petit bout de femme sait transmettre sa passion des mots, à travers son métier de professeure de français, mais aussi à travers ses ateliers de théâtre au sein du collège dornois. Son investissement est tel qu’elle a créé une compagnie théâtrale, le Théâtre bleu, pour que ses anciens élèves puissent poursuivre leur expérience théâtrale.
Impliquée et amatrice de poèmes, Apolline Chavance a tout naturellement « acclimaté » les collégiens à cet art littéraire. Difficile tâche ! Victime de son impopularité, souvent décriée, la poésie n’a pas forcément toute l’attention des lecteurs avisés ou en herbe. Un avis non partagé par la professeure : « C’est important pour ces jeunes qui n’ont pas l’habitude d’écouter de la poésie. Je veux leur ouvrir de nouveaux horizons. Et apporter un autre regard sur la poésie. Ça les touche. »
On peut dire que cela fonctionne quand on voit l’enthousiasme des cinq jeunes filles qui vont se produire devant l’auteur Jean-Pierre Siméon, invité au collège lundi 23 janvier. Apolline Chavance a redécouvert sa pièce théâtrale, Stabat Mater Furiosa, qu’elle a choisi de mettre en scène ce texte en y intégrant de la musique et une chorégraphie. Justine, Lucille, Wendy, Noémie et Eireann, cinq anciennes élèves dorénavant lycéennes et membres du Théâtre bleu, seront associées à ce projet. Cinq voix, cinq personnalités, cinq novices dans l’exercice, très impressionnées par la présence de l’auteur. À quelques minutes de la représentation, les sourires sont tendus, la pression monte, l’émotion est forte : « Nous sommes très heureuses de rencontrer l’auteur. C’est une fierté. On pourra échanger avec lui et ça, c’est une belle opportunité. »
Les voilà installées, seules, face au public. Chacune déclame les bouts de phrases, à l’image des strophes d’un poème. Les voix claires, de différentes tessitures, révèlent les mots, leur donnent tout leur sens. Le texte est ponctué par la musique et par une chorégraphie ; l’intention est là, fait son effet. Le texte prend alors toute sa dimension. Écrit sur fond de Seconde guerre mondiale, il interpelle et résonne, nous rappelant d’autres conflits plus récents, plus proches de nos frontières, il témoigne de l’infamie qui inonde le monde depuis la naissance de l’humanité.
Après avoir salué l’interprétation, Jean-Pierre Siméon échange, répond aux questions, explique la fonction de la poésie et son intérêt : « La poésie ne demande rien, uniquement le support et la voix. C’est un des meilleurs moyens d’amener les personnes à l’art, sans cérémonie et sans cérémonial. L’émotion passe par des expériences et par la langue. Le poète parle autrement, il invente une autre langue, une langue vivante, à l’inverse du discours que je considère comme une langue morte. Celle-ci n’a pas de vie, pas de chair. La poésie devient la seule langue capable de transcrire les émotions. »
« Il faut s’arrêter sur les choses dérisoires, porter son regard dessus, c’est ça la poésie ! »
Jean-Pierre Siméon partage son expérience avec les jeunes et plaide en faveur de la poésie : « La poésie est une ode à la vie, c’est une manière d’être. Tout le monde peut être poète, tout le monde est possiblement poète, même sans écrire. C’est une manière de vivre, en vivant pleinement chaque instant. Les choses, les personnes nous entourent, il faut prendre le temps de s’émerveiller. Chaque événement a son importance. Le poète n’est pas un rêveur. On dit de lui qu’il se cogne la tête au lampadaire, car il a tout le temps le nez en l’air. Non, le poète vit dans le monde. Regarder, contempler, s’ennuyer, prendre le temps… C’est ce qui fait que l’on peut être poète. La vie apparaît plus forte, plus intense. Écrire de la poésie demande du temps, de la lenteur et beaucoup de concentration afin de choisir le bon mot. »
Le message est bien reçu. Les élèves, attentifs, se précipitent auprès de l’auteur pour demander quelques dédicaces. Une belle implication du corps enseignant, des élèves, de quoi se réconcilier avec la poésie. Cette remarquable initiative est saluée par Wilfrid Séjeau, vice-président en charge des collèges et de l’éducation, de la culture, de la jeunesse et de l’enseignement supérieur. Un exemple qui marque la volonté du Conseil départemental de repenser la fonction première des collèges en les ouvrant au monde extérieur avec son projet Collège de demain.