Dans le cadre de ses actions pour le climat, le Conseil départemental a organisé, mercredi 30 novembre à l’Agropôle du Marault, la conférence « Quelle agriculture dans la Nièvre aujourd’hui pour la sécurité alimentaire de demain ? ». Un sujet important qui a suscité de riches échanges, débats et plans d’actions.
Quel lieu plus propice que le ring de l’Agropôle du Marault, haut lieu de l’élevage charolais nivernais, pour accueillir les 40 participants à la conférence sur l’agriculture dans la Nièvre pour la sécurité alimentaire de demain ?
Introduite par Blandine Delaporte, vice-présidente du Département en charge des transitions, du fonds d’innovation et d’investissement territorial et du dialogue avec les habitants, la soirée a débuté sur une contextualisation pour le moins claire et solennelle.
Le Conseil départemental revendique son implication pour le climat, et sa volonté d’agir, tout d’abord en sensibilisant les citoyens à la gravité de la situation, puis en prévenant des risques des conséquences du réchauffement climatique mais aussi en proposant des plans d’actions pour essayer d’amoindrir les effets du changement climatique.
Spécialiste du changement climatique à la Chambre d’agriculture de la Nièvre, Benoit Giroud a présenté les projections climatiques issues de Climat XXI et les bilans carbone que la Chambre réalise en élevage.
Il a d’abord dressé un état des lieux climatique basé sur les données du GIEC. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation est préoccupante. En effet, à l’horizon 2100, les experts envisagent le pire des scenarii, avec une augmentation de température à 4 à 5 °C. Dans la Nièvre, il y aurait moins de 8 jours de gel, ce qui induirait une période de récolte de l’herbe condensée sur une plus courte période, avec un risque de coup de gel sur la végétation et un stress thermique plus important pour les animaux. De plus, comme beaucoup de départements, la Nièvre va subir des étés très secs et très chauds.
Ensuite, Benoît Giroud a présenté les bilans carbone qui permettent aux éleveurs de voir et de comprendre leur empreinte carbone et d’essayer, grâce à des leviers d’adaptation, de diminuer cette empreinte : « Les agriculteurs de la Nièvre, pour la plupart, ont déjà une attitude vertueuse », grâce à des exploitations à échelle humaine, une bonne gestion des espaces cultivés, etc.
Chargée de mission Filières et Territoires dans la Nièvre de l’association BioBourgogne, Julianne Aubertot a abordé brièvement les rapports du GIEC et le réchauffement climatique, les pistes d’adaptation pour l’élevage, les grandes cultures, le maraîchage, les nouvelles cultures possibles et les économies d’eau. Et le constat est stupéfiant : de par son cahier des charges, l’agriculture biologique permet de réduire les trois-quarts de l’empreinte carbone de l’agriculture et de l’alimentation. En effet, en grandes cultures, les émissions globales de GES dues aux engrais minéraux (fabrication et épandage) représentent environ 70 à 80 % des émissions des exploitations. Les systèmes en AB n’utilisant pas d’engrais de synthèse, les taux d’émissions globaux à l’hectare sont inférieurs de 48 % à 66 % à ceux des systèmes conventionnels.
La diminution du chargement (élevage plus extensif) et la relocalisation d’une large part de l’alimentation animale, le respect de la saisonnalité, l’utilisation de fumure organique et compostée, sont autant de points forts de l ‘agriculture biologique.
L’utilisation raisonnée de la ressource en eau revêt elle aussi un impact conséquent. Et l’adaptation en agriculture bio dans la Nièvre est déjà bien présente ! Dans le maraîchage (10 % des fermes bio du département), de nombreuses actions se démocratisent telles que l’utilisation de techniques d’irrigations plus économes en eau, le goutte-à-goutte, la gaine poreuse, le blanchiment des serres et la récupération des eaux de pluie et la réduction du travail du sol sur les sols argileux.
Dans l’élevage (40 % des fermes bios dans la Nièvre), là encore il existe des adaptations déjà actives sur les exploitations.ll convient de maximiser les pâturages et optimiser les récoltes des fourrages, et d’assurer la concordance entre la pousse de l’herbe et les besoins des animaux et d’anticiper au mieux la sécheresse d’été.
Autre piste, les cultures fourragères à fort besoin en eau durant l’été, telles que le maïs fourrage, peuvent être remplacées par des sélections variétales paysannes et d’autres « économiques » en eau, comme le sorgho. Les rendements sont peut-être moins performants mais lissés tout au long de l’année.
Florian Bussy, conseiller en viticulture et œnologie du Service interprofessionnel de conseil agronomique, de vinification et d’analyse du Centre (SICAVAC), a ensuite présenté l’étude sur l’adaptation des pratiques viticoles au changement climatique.
Son état des lieux des conséquences climatiques sur les vignobles du Val de Loire est sans appel : augmentation des températures moyennes, des risques climatiques (gel, grêle, sécheresse, échaudage qui induisent une concentration du travail sur une courte période, variabilité des pressions engendrant des maladies, etc.), évolution de l’équilibre sucre/acide qui « transforme » les arômes des cépages.
La SICAVAC a su s’adapter : mise en place de tours antigels, réalisation des tailles plus tardives, rognages des vignes en hauteurs et en largeurs pour éviter que les jeunes pousses ne gèlent, dates d’applications des traitements différées pour éviter de « brûler » les cépages. Etape suivante, le projet « CEPS SICAVAC » consiste à garantir la qualité des plants de vigne greffés-soudés, et à préserver l’équilibre sucre/acidité grâce aux plants de variétés anciennes.
Florian Bussy conclut son intervention par une interrogation de choix : « Est-ce que nous réussirons à préserver le goût de nos cépages nivernais ? C’est ce que nous tentons de réaliser en travaillant de manière collective et raisonnée ».
Dernier intervenant, Thierry Guyot, conseiller départemental délégué à l’agriculture et l’alimentation de proximité, a présenté les actions du Département : « L’agriculture n’est pas juste un sujet technique mais bel et bien un sujet politique qui nous incite, nous élus du Département, à agir au cœur des enjeux agricoles ».
Et les actions menées par le Conseil départemental sont nombreuses et se développent : Projet alimentaire territorial (PAT), soutien aux projets d’énergies renouvelables (méthanisation, photovoltaïque), subvention à la SICAVAC, Plan départemental pour la ressource en eau, replantation des haies et des arbres, sans oublier l’Opération 1 000 arbres qui en est à sa quatrième édition.
Pour conclure, Thierry Guyot déclare : « À certains moments le Département joue le rôle de médiateur, à d’autres celui de démonstrateur, à travers de nombreux projets collectifs et partenariaux. Des rôles que nous souhaitons poursuivre, et auquel nous souhaitons contribuer pour accompagner au mieux les agriculteurs nivernais et continuer à défendre une vision de l’agriculture à l’échelle locale ».