Elles ont traversé l’enfer de l’exil, la poix des violences, les flammes des humiliations. Sans plier. Depuis 20 ans, Cécile Vallet écoute et accompagne ces femmes réfugiées, héroïnes ordinaires « plus que vivantes », à Nevers. De ce « trop-plein » d’histoires gravées au scalpel, elle a tiré un court métrage, Dignité, délicatement ouvragé avec Sylvie Roche, photographe et bénévole de la Cimade. Le film d’animation des deux artistes sera présenté, mardi 22 novembre à 20 h, à l’auditorium Jean-Jaurès, avec deux autres œuvres, lors du festival Migrant’Scène.
À côtoyer des hommes et femmes revenus de l’abîme, on est saisi d’un vertige dont il faut s’ébrouer pour garder la conscience claire. Travailleuse sociale aux côtés des réfugiés politiques au Centre provisoire d’hébergement de la FOL 58 à Nevers, Cécile Vallet confie à l’écriture le soin d’alléger sa tête et son cœur de la mémoire de toutes ces souffrances écoutées. D’abord avec Jour de gloire (1), lecture musicale créée il y a quelques années avec le pianiste Elouan Abgrall, fiction d’exil que prolonge aujourd’hui Dignité, court métrage réalisé avec la photographe Sylvie Roche.
« Ce projet est né d’un trop plein de situations, d’une accumulation. Il fallait qu’une porte s’ouvre », explique Cécile Vallet. « Depuis vingt ans, j’accompagne des hommes et des femmes que la France a reconnus comme réfugiés politiques, qui veulent aller de l’avant. J’ai voulu montrer le courage de certaines femmes, qui sont plus que vivantes. » Des femmes restées « debout » après avoir subi, dans leur pays d’origine ou sur les chemins minés de l’exil, des violences insoutenables. L’héroïne de Dignité est leur porte-parole, leur humanité rassemblée en un seul être, irréductible : « Une femme qui regarde son bourreau dans les yeux et qui lui parle. Elle ne lui reproche rien, elle lui dit les faits. Il ne l’a pas tuée, il lui a laissé la vie, et elle est entrée dans la résilience, elle a été plus forte que cet homme. C’est une forme de réconciliation avec elle-même ; elle ne peut pas revenir en arrière, elle doit aller de l’avant. Elle ne se lamaente pas, elle est dans la vie. »
Bénévole à la Cimade, association qui « défend la dignité et les droits des personnes réfugiées et migrantes » (article 1 de ses statuts), Sylvie Roche a été saisie en découvrant l’écrit de Cécile Vallet : « Quand elle m’a lu son texte, j’ai vu à quel point il était juste. Ces femmes sont debout, elles sont dans l’avenir. Alors je lui ai proposé de le mettre en images. » Commence alors un lent travail de construction d’un court métrage de dix minutes, pour associer les mots de l’une aux dessins et aquarelles de l’autre : « On a été dans un dialogue constant pour ajuster le texte et les images. Sylvie a réussi à trouver la couleur de l’histoire, ses images sont très puissantes, et elles ont fait bouger le texte. »
La bande son de percussions est confiée au musicien Gonzalo Campo : « Il y a aussi des voix, en fond, des voix de femmes, comme un chœur. » Pour Sylvie Roche, photographe expérimentée, l’expérience a été une double première : « Je n’avais jamais fait de court métrage d’animation. Cela a été très long car il a fallu maîtriser la technique. Et je n’avais jamais travaillé à deux sur un projet ; ce dialogue a été très intéressant. »
Diffusé pour la première fois mardi 22 novembre à Nevers, à l’occasion du festival Migrant’Scène de la Cimade (voir encadré), Dignité est promis à une longue vie : « On veut le présenter dans des festivals de courts métrages, comme celui de Clermont-Ferrand ou Parties de campagne, mais aussi le proposer à des associations engagées pour les droits des femmes ou ceux des demandeurs d’asile. On espère qu’elles s’en empareront pour montrer que tout est possible, que toutes les souffrances endurées ne peuvent pas vous réduire. On n’est pas tous dans la résilience, et c’est un exemple à suivre. »
1. https://www.nevers.fr/actualites/jour-de-gloire-pour-les-damnes-de-lexil