Chaque soir jusqu’au 31 août, à Cosne-sur-Loire, le 3e Festival Garage Théâtre emmène les spectateurs dans un séduisant hors-piste artistique. Musique, danse, théâtre, littérature se croisent et se frôlent, entre salle et jardin, chien et loup, et illustrent la seconde vie d’un « vrai » garage automobile transformé en espace de création, il y a trois ans, par Jean-Paul Wenzel, enfant terrible du théâtre depuis un demi-siècle, et sa fille Lou, comédienne et danseuse.
Olivier Perrier et Jean-Louis Hourdin, ses compères fondateurs des Fédérés à Montluçon et des Rencontres d’Hérisson, ne sont pas loin, dans le jardin à l’arrière du Garage Théâtre. « Hier soir on s’est dit qu’il faudrait qu’on remonte quelque chose ensemble, une dernière fois », glisse Jean-Paul Wenzel avec une lueur espiègle dans ses yeux septuagénaires. Le prolifique auteur et metteur en scène passé par l’Allier puis l’Ile-de-France s’est lancé, à l’âge où beaucoup ont perdu de vue la vie active dans leur rétroviseur, un nouveau défi artistique, en rachetant il y a trois ans un ancien garage en lisière de Cosne-sur-Loire, tout au bout de la rectiligne rue des Frères-Gambon.
Avec sa fille Lou, artiste elle aussi et créatrice de la compagnie La Louve, Jean-Paul Wenzel ressuscite l’esprit des Fédérés, ouverts dans une ancienne usine montluçonnaise : « Nous avons acheté ce garage pour en faire un lieu d’accueil de compagnies et de résidences. » La maison aux cinq chambres accolée au garage voit passer, toute l’année ou presque, des danseurs, comédiens, clowns, auteurs, etc. en quête de calme et de tarifs imparables : « C’est 500 euros la semaine, beaucoup moins cher qu’à Paris. »
Transformé en salle de spectacle, avec l’aide précieuse des Amis du Garage Théâtre, l’atelier ne tarde pas à s’ouvrir aux envies de festivals, que le Covid ne fait pas caler. « Nous organisons le Printemps des écritures, avec des auteurs qui animent des ateliers d’écriture la journée et disent leurs textes le soir, et le Festival Garage Théâtre, qui fait découvrir des spectacles plus finis que les sorties de résidence », explique Jean-Paul Wenzel. « Et après chaque spectacle, le public rencontre les artistes dans le jardin », enchaîne Lou Wenzel. Entre le bar éphémère et les surprises apéritives, le jardin mêle artistes et spectateurs dans un souhait d’égalité, de barrières tombées.
Le carnet d’adresses des Wenzel père et fils fait venir à Cosne des « noms » comme la romancière Marie NDiaye (Goncourt 2009 pour Trois Femmes puissantes), au Printemps dernier, ou Denis Lavant, acteur fétiche de Léos Carax (Les Amants du Pont-Neuf, Mauvais sang), en clôture du 3e Festival Garage Théâtre, mercredi 31 août. Il délivre surtout, par-delà le « name-dropping » que fuient les propriétaires du lieu aussi énergiquement que les soupçons d’entre-soi, de durables sensations esthétiques. Ainsi samedi soir, face aux 120 places des gradins grinçants (vétérans des Fédérés) remplies et conquises, Monique Brun, seule en scène sous deux spots, fait revivre Léo Ferré par la seule magie de sa voix chaude. Extraits d’entretiens et chansons a cappella réveillent le souvenir du poète indomptable, l’ardente sensualité de son écriture trempée dans une jeunesse marquée par neuf années de pensionnat dans un collège religieux. Le petit « Léo 38 » (son matricule chez les sinistres frères) en sortira plus rebelle que jamais, à vif et avide de mordre la vie à pleines dents.
Suite et fin du festival à découvrir sur www.garagetheatre-amis.fr/
Photos : Sandrine Lejean et Jean-Yves Lefevre.