Oasis de biodiversité gérées par le Conseil départemental, les Espaces naturels sensibles (ENS) nivernais sont le cadre d’un inventaire des populations d’oiseaux, en 2022. Ce bilan de santé, mené 16 ans après le dernier « check up », se base sur l’écoute des chants d’oiseaux dans tous les sites, tandis que le coteau de Chaumois (Parigny-les-Vaux) voit le lancement d’un programme spécifique de capture au filet et de baguage pour une étude approfondie.
Comment vont les oiseaux ? Pas mieux que le reste d’un monde tourmenté par les dérèglements climatiques. Asiles préservés des excès humains et gérés par le Conseil départemental, les Espaces naturels sensibles (ENS) échappent-ils à l’effondrement des populations constaté au niveau national (- 30 % en 30 ans) ? Ou subissent-ils comme le reste du territoire la dégradation généralisée due aux activités humaines, à la destruction des habitats naturels et aux conditions climatiques ? L’inventaire lancé en 2022 sur les ENS nivernais (voir encadré en bas de page) devrait répondre à cette question en livrant un point de comparaison attendu avec la dernière campagne menée en 2006, dixit Fabrice Alric, : « La baisse est de 30 % pour les petits passereaux. »
Depuis mars et jusqu’à cet hiver, les membres de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et le bureau d’études Auddicé Environnement viennent à intervalles réguliers écouter les chants pour comptabiliser les populations, espèce par espèce. Des chants plus rares, donc, voire de lancinants silences, comme celui de la fauvette des jardins, présente en 2006 et qui ne donne plus signe de vie en 2022.
« Cette campagne a pour but d’établir des comparaisons avec celle de 2006 sur les présences et absences d’espèces, d’envisager des tendances d’évolution et d’adapter en fonction la gestion des ENS, le cas échéant », précise Fabrice Alric, chargé de mission Espaces naturels sensibles au Département. Parallèlement à ce programme, basé sur la méthode des Indices ponctuels d’abondance, le service Patrimoine naturel du Conseil départemental travaille en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (OFB) sur une autre évaluation de l’avifaune, le Suivi temporel des oiseaux communs (ou STOC Capture) par le baguage.
Le coteau de Chaumois, Espace naturel sensible de Parigny-les-Vaux, a été choisi comme terrain d’expérimentation en raison de « la diversité de ses habitats », une mosaïque de bocage et de pelouses calcaires propice à l’installation des passereaux. Trois matinées de mai, juin et juillet, 12 filets de 12 x 3 m ont été disposés sur le coteau pour capturer les oiseaux – sans les blesser, bien sûr. Agent de l’OFB et bagueur du Centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux du Muséum national d’histoire naturelle de Paris (CRBPO), Cyril Sénéchal a orchestré les opérations en compagnie de professionnels et de bénévoles de l’OFB, du Département et de la LPO.
Lors des trois matinées d’intervention, 148 oiseaux ont été capturés et bagués, représentant 18 espèces : rossignol philomèle (11 spécimens), hypolaïs polyglotte (13, merle noir (14), rouge-gorge familier (16), tarier pâtre (1), linotte mélodieuse (2), bruant zizi (6), pouillot véloce (7), mésange bleue (12), mésange charbonnière (12), mésange nonnette (1), fauvette grisette (12), fauvette à tête noire (35), roitelet à triple bandeau (1), grimpereau des jardins (1), pinson des arbres (1), grive musicienne (1), orite à longue queue (2).
« L’année 2022 (semble) marquée par une reproduction en demi-teinte, notamment pour les espèces migratrices transsahariennes présentes sur le site (rossignol philomèle, hypolaïs polyglotte et fauvette grisette) », conclut Cyril Sénéchal. Le STOC Capture a pris dans ses rets deux espèces « inscrites sur la liste rouge des espèces menacées de France », le tarier pâtre et la linotte mélodieuse. Les yeux experts ont également identifié plusieurs espèces qui ont échappé aux filets, telles que la tourterelle des bois, la huppe fasciée, le pipit des arbres, le bruant proyer ou le bruant jaune. La convention passée entre le Département, l’OFB et le CRBPO prévoit un retour sur le terrain chaque année, à dates fixes, pendant trois à cinq ans ; outre le baguage, l’intervention comporte des mesures morphométriques pour, selon Fabrice Alric, « documenter l’évolution de la morphologie des espèces ».