Institution charitoise aux allures de grande famille heureuse, le festival Blues en Loire a fêté ses 20 ans, du 15 au 20 août, en semant les concerts dans la ville et alentour. Plus de 5 000 spectateurs ont vibré au charme enivrant d’une musique qui, à l’instar du fleuve aux humeurs changeantes, charrie les infinies variations de l’âme et des sentiments.
Sur l’esplanade taillée à flanc de colline, entre fleuve et ciel, un soleil de Louisiane perce la canopée et donne des suées à Christophe Hanart, leader de Chris Feeling Bluesband. En ce samedi après-midi torpide, le guitariste chanteur égratigne la sieste charitoise à grands solos brûlants, partageant l’avant-scène avec David Paquet, harmoniciste qui pioche ses instruments dans une vieille valisette pour en tirer d’éblouissantes flammes.
Appuyé sur une rythmique à la rondeur impeccable, le duo convoque les grands maîtres du blues, du bayou à Chicago – Muddy Waters, Otis Rush, Earl Hooker –, devant une bonne centaine de spectateurs assis sur des chaises ou sur l’herbe. La virtuosité du quatuor, l’énergie et le plaisir communicatifs ne tardent pas à faire leur(s) effet(s). Les doigts tapotent les genoux, les mollets frétillent sous les bermudas, les mocassins battent la mesure. Derrière la scène en bois clair, une fillette virevolte.
Moment de grâce gracieusement offert, le concert « off » illustre l’esprit de Blues en Loire, festival construit il y a vingt ans à La Charité sur les solides fondations du Chat, café-concert qui fédérait les amoureux du blues un peu plus au nord, à Villechaud, hameau de Cosne-sur-Loire. « Blues en Loire est considéré comme un des plus gros festivals du genre en France mais on tient à garder un esprit familial, simple, qui ne se prend pas au sérieux », assure la présidente Elisabeth Levannier, gardienne du temple depuis l’origine : « Cela fait 17 ans que je suis présidente, et avant j’étais vice-présidente. »
Signe de son inoxydable santé, le festival charitois a traversé sans broncher les deux années de Covid qui ont mis en péril nombre de ses collègues. Cette 20e édition a proposé une trentaine de concerts à La Charité et dans quatre autres communes du secteur : Beaumont-la-Ferrière, Guérigny, Mesves-sur-Loire, Varennes-lès-Narcy. Avec un égal bonheur : « 140 personnes à Beaumont-la-Ferrière, un lundi ! Et à Mesves, un mercredi, la salle était blindée », s’étonne encore Elisabeth Levannier. Blues en Loire a ses fidèles, des habitués dont elle connaît presque chaque nom, chaque visage, à force : « On a toujours entre 5 000 et 7 000 spectateurs. 50 % de Bourgogne-Franche-Comté, 50 % du reste de la France. La programmation, c’est une alchimie, on doit faire venir des groupes assez connus pour attirer du monde mais pas trop connus pour devoir en refuser. »
Vivante vitrine d’un genre qui n’en finit pas de se régénérer, Blues en Loire est aussi une invitation à découvrir un territoire du Far West bourguignon, et d’un certain art de vivre : « On a fait un marché de producteurs hier (vendredi) matin, tous les exposants sont repartis à vide. » Au sous-sol de la Halle aux Grains, le « charitois way of life » fait saliver la moitié du French Blues All Stars, Anthony Stelmaszack (guitare-chant), Thibaut Chopin (basse, harmonica, chant) et Simon Boyer (batteur). Une des cuisinières de l’association dépose sur la table un généreux plat de rougail, arrosé d’un bon vin.
Mais ce n’est pas (seulement) à cet accueil-là que pense Simon Boyer quand il loue Blues en Loire : « Il y a des festivals qui favorisent les groupes américains. Ici, on est traités à égalité. Et la programmation est très chouette, on entend rarement un groupe que l’on n’aime pas. On se sent un peu comme à la maison. On est venus souvent, et quand on nous a proposé de revenir pour la 20e édition, on a accepté naturellement. » Collectif issu de deux groupes, où évoluent également d’autres tauliers du blues, Youssef Remadna (chant), Stan Noubard Pacha (guitare) et Benoit Ribière (piano et orgue), French Blues All Stars a même célébré ses retrouvailles à La Charité : « Cela faisait un petit moment qu’on n’avait pas joué ensemble. »