Organisée par le Conseil départemental, la conférence sur le futur de la forêt nivernaise a réuni 80 personnes, jeudi 9 juin, aux Forges royales de Guérigny. Après un état des lieux pointant les conséquences déjà perceptibles du réchauffement climatique, les intervenants ont évoqué des pistes pour préserver ce patrimoine naturel qui couvre un tiers de la Nièvre.
Notre département compte 233 000 hectares de forêts, soit 35 % de sa superficie. Ce patrimoine naturel est un marqueur fort et identitaire de notre territoire. Les signes de faiblesse sur certaines espèces sont déjà constatés ; les dépérissements prématurés sont pour l’instant des phénomènes isolés, mais qui ne manquent pas d’inquiéter les professionnels du secteur.
Investi depuis 30 ans dans l’élaboration d’une politique en faveur de la nature, notamment à travers la préservation de milieu naturel exceptionnel et dans le cadre de sa Stratégie d’adaptation au changement climatique, le Conseil départemental a organisé cette conférence sur le futur de la forêt nivernaise afin de présenter au public différentes solutions ou alternatives locales pour atténuer le dépérissement des forêts.
Pour comprendre la situation, Yann Mozziconacci, responsable de travaux à l’agence de Nevers de l’Office national des forêts, a présenté les conséquences du réchauffement climatique et les solutions de l’ONF pour enrayer le phénomène : « Les épisodes météorologiques exceptionnels et la diminution des ressources en eau, facteurs du changement climatique, mettent en péril l’avenir des forêts nivernaises. Une situation qui risque de s’aggraver d’ici 30 à 50 ans, engendrant inéluctablement la disparition des biotopes forestiers et de certaines essences emblématiques. Dans un contexte d’incertitude, l’Office déploie également son concept de « forêt mosaïque », qui vise à diversifier les essences et les modes de sylviculture. Ce qui passe notamment par l’expérimentation de nouvelles essences forestières, qui pourraient être mieux adaptées aux climats plus chauds de demain, dans des « îlots d’avenir ». »
Frédéric Beaucher, gérant du Groupement forestier du Chat sauvage, apporte une vision décalée : « Nous avons une autre attente et un autre regard sur la forêt. On ne doit pas chercher la rentabilité dans la production de bois, il faut avoir une gestion la plus proche possible de l’écosystème. Et le fait d’introduire de nouvelles essences pourrait le fragiliser. C’est peut-être à nous de nous adapter.
D’ici 30 à 50 ans, l’aspect de la forêt changera, il faut accepter ce changement. La forêt est capable de s’accommoder des conditions extrêmes, il faut lui faire confiance. L’écosystème forestier a la capacité de se régénérer naturellement grâce à la génétique et à l’épigénétique. C’est comme cela que la forêt deviendra la plus résiliente possible. »
Propriétaire de parcelles forestières dans le Morvan, forestier, bûcheron, naturaliste, formateur-enseignant, Christian Martin livre son expérience : « En 1987, j’ai acquis 8 ha de parcelles qui sont en gestion naturelle ; je laisse la forêt évoluer librement. J’ai tiré parti des peuplements existants, je n’amène pas de transformation radicale et je favorise les essences présentes. J’interviens uniquement pour compléter cette dynamique forestière en faisant des plantations d’enrichissement ponctuelles. Je laisse des zones en l’état avec des arbres morts et je supprime ceux qui gênent.
J’ai constaté que les essences les plus fragiles mouraient en lisières. Quand elles sont mélangées aux autres, elles sont plus résistantes. Avec une sylviculture irrégulière et le choix des essences bien adaptées, il est possible de réduire les conséquences du changement climatique. »
Vincent Guichard, directeur du pôle scientifique de Bibracte EPCC et Quentin Rouquillaud, chargé de mission forêt, ont terminé la conférence en présentant le laboratoire d’expérimentation forestière sur le site classé du Mont Beuvray :
«Le laboratoire forestier, financé par l’Union européenne avec l’appui de la Région Bourgogne Franche-Comté, expérimente la replantation d’essences adaptées à une exploitation locale et compatibles aux conditions climatiques imaginées pour les années 2070. Depuis 2016, 90 ha d’épicéas ont disparu du paysage, touchés par la sécheresse et les scolytes. Maintenant, les hêtres donnent des signes de faiblesse et nécessitent des coupes sanitaires. Les effets du changement climatique et la contrainte du site classé demandent une attention particulière en ce qui concerne l’aménagement du paysage, mais ils donnent une belle opportunité de transformation. D’autres parcelles laisseront sa chance à la régénération naturelle, laquelle trouvera également sa place dans les interstices prévus à l’intérieur des espaces replantés »
Des méthodes, des approches différentes, qui nous laissent dans l’incertitude. L’avenir de nos forêts est bel et bien menacé. Les intervenants sont au moins d’accord sur une chose : la mono-sylviculture touche aujourd’hui à ses limites, sous l’effet cumulé des parasites et du réchauffement. Il faut changer nos pratiques en respectant la biodiversité. Le dérèglement climatique est plus qu’une évidence et nous pouvons le constater tous les jours.