Petit village mais « grand coeur », Authiou accueille depuis mars six réfugiés ukrainiens, autour desquels une vaste chaîne de solidarité s’est formée pour adoucir la violence de l’exil. La tête au pays en guerre, femmes et enfants ont repris pied dans cette oasis nivernaise où le président du département, Fabien Bazin, et le préfet Daniel Barnier sont venus à leur rencontre, jeudi 12 mai.
Les charolais glissent une tête curieuse au-dessus du mur de pierres sèches. Sous le tilleul qui domine la mairie d’Authiou, le ballet des voitures et des hommes est plus vif que d’habitude, ce matin du 12 mai. Un vélo d’enfant est appuyé contre le mur de l’ancienne école, qui n’a pas survécu à la saignée de la Grande Guerre : « 12 morts sur 120 habitants », rappelle le maire, Pierre de Becque.
Un siècle plus tard, l’écho d’une autre guerre résonne dans le village posé sur une colline du Nivernais central, entre Prémery et Brinon-sur-Beuvron, qui compte « 49 habitants, dont six Ukrainiens ». Svetlana et sa fille Mira, Anna, ses enfants Mark et Eva et sa nièce Tatiana, sont arrivés en mars, chassés de leur pays par l’invasion russe déclenchée le 24 février. Authiou a été l’une des premières communes à se déclarer prête à prendre sa part dans l’accueil du flot des réfugiés : « On a vite compris qu’il y aurait beaucoup de gens sur les routes », explique le maire, qui s’était déjà porté volontaire pour héberger des exilés syriens dans son village, il y a quelques années. « L’Ukraine, c’est une guerre à notre porte. Ça nous a sensibilisés immédiatement. »
Son appel, fin février, devance celui des services de l’État aux communes nivernaises susceptibles d’accueillir des Ukrainiens. « On avait deux logements communaux non loués. L’équipe municipale s’est mobilisée tout de suite », détaille Pierre de Becque. « L’avantage d’une petite commune, c’est que tout est très fluide : trois coups de fil, un groupe Whatsapp, et c’est lancé. »
La solidarité se déploie avec une impressionnante vitalité ; les artisans bousculent leur agenda pour réaliser les travaux, offrant l’un de l’électroménager, l’autre une grosse ristourne sur la main-d’oeuvre, le brocanteur Eric Boubin ouvre ses stocks pour équiper gratuitement les logements, les habitants apportent des dons, le supermarché du coin joue le jeu. « Il y a eu plein de petits élans », sourit le maire. « De la générosité, du bénévolat. »
Autour des deux familles, arrivées à quelques jours d’intervalle, le village devient un nid protecteur et bienveillant. « Les gens sont tellement gentils, c’est comme une famille », affirme Anna, dans un anglais qui sera peu à peu supplanté par le français enseigné chaque jour par une habitante, professeur retraitée. « Nous apprenons le français pour pouvoir nous engager dans la vie ici. »
Mark est scolarisé à Brinon-sur-Beuvron, sa sœur au collège de Varzy. Professeur de littérature, Svetlana poursuit ses cours en visioconférence, tandis que Mira garde le fil de ses études de commerce. Les sourires s’effacent à l’évocation des proches restés en Ukraine : « On a des contacts tous les jours, par téléphone ou Whatsapp. Ils vont tous bien, jusqu’à présent », assure Anna.
Dans le jardin de la cure, à quelques mètres de la mairie, la discussion se prolonge avec le préfet Daniel Barnier, le sous-préfet de Cosne et Clamecy, Christophe Hureau, et Fabien Bazin, président du Conseil départemental. « Authiou est une commune qui illustre de manière fantastique la solidarité des Français, qui ont tous été touchés par les images et la situation des Ukrainiens », souligne Daniel Barnier, qui livre quelques chiffres à l’appui : « 55 000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en France. Dans la Nièvre, 226 sont venus en préfecture pour obtenir un titre de séjour et la protection temporaire. Authiou fait partie des 50 communes qui se sont manifestées pour les accueillir. »
Pour faciliter les déplacements depuis Authiou, le Département a mis à disposition un véhicule de sa flotte. «Les transports sont un sujet important dans la Nièvre », pointe Fabien Bazin, saluant le travail conjoint des équipes du Conseil départemental et de la préfecture auprès des réfugiés, mais aussi l’esprit d’ouverture à autrui qui souffle à Authiou, avec pour emblème la Bergerie de Soffin, foyer de création artistique à forte dimension sociale porté par Alfred Alerte et sa compagnie : « Ce qui se passe dans cette commune depuis plusieurs années est sidérant. » Svetlana le confirme, en aparté : « Nous voulons remercier tout le monde pour les attentions envers nous. »